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J-M. Jancovici à News Tank : « Mettre l’enseignement en cohérence avec les limites planétaires »

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Entretien n°269669 - Publié le 07/11/2022 à 09:28
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Jean-Marc Jancovici - ©  D.R.

« Modifier les cursus pour les mettre en cohérence avec le monde dans lequel nous évoluons : c’est très exactement l’objectif du projet ClimatSup du Shift Project, qui a été décliné pour les écoles d’ingénieurs et désormais pour les écoles de gestion », indique Jean-Marc Jancovici Président @ The Shift Project • Associé @ Carbone 4
, président du think tank et par ailleurs associé au sein de la société Carbone4, à News Tank le 30/10/2022.

« Le projet ClimatSup Business, en partenariat notamment avec Audencia , a démarré il y a environ un an. L’objectif est de mettre au point un guide de la transition écologique pour les écoles de management et leurs dirigeants. Ce travail intervient après un premier projet mené avec le groupe Insa Institut national des sciences appliquées en 2020. »

Il s’agit de « permettre à une école de repenser son ingénierie pédagogique, pour mettre l’enseignement en cohérence avec les limites planétaires. Au départ il faut regarder toutes les formations de l’école, pour voir où il faudrait effectuer des modifications. Il faut aussi identifier les compétences dont les diplômés auront besoin pour intégrer les enjeux de transition dans leur activité ».

Jean-Marc Jancovici, qui enseigne à Mines Paris-PSL, déclare que « le terreau est globalement plus fertile dans les écoles d’ingénieurs, car on y enseigne des problématiques physiques aux étudiants. Dans les écoles de management, on est essentiellement calé sur la convention humaine (l’économie) et donc un peu plus loin de la réalité sous-jacente ».

L'évolution des filières de formation ne « se joue pas uniquement au niveau du MESR Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche  », mais découle « d’une vision plus globale impulsée par la présidence de la République ».

Après la publication d’un rapport intermédiaire en mai 2022, le document final du projet ClimatSup Business sera présenté le 08/11.


« Une marche nécessairement plus haute » pour les écoles de management que d’ingénieurs

Vous interveniez le 22/09/2022 à Audencia, dans le cadre d’une conférence organisée par l’association Isegoria, tribune étudiante de l'école. Dans quel but  ? 

Le Shift Project a démarré, en 2021, le projet ClimatSup Business, en partenariat notamment avec Audencia . L’objectif est de mettre au point un guide de la transition écologique pour les écoles de management et leurs dirigeants. Ce travail intervient après un premier projet mené avec le groupe Insa en 2020. 

Le but du projet est de permettre à une école de repenser son ingénierie pédagogique, pour mettre l’enseignement en cohérence avec les limites planétaires. Au départ il faut regarder toutes les formations de l’école, pour voir où il faudrait effectuer des modifications. Il faut aussi identifier les compétences dont les diplômés auront besoin pour intégrer les enjeux de transition dans leur activité. 

C’est dans le cadre de ce projet que l’association Isegoria m’a demandé d’intervenir. C’est toujours intéressant pour moi de me rendre dans un établissement d’enseignement, et plus encore quand le cursus n’évoque que peu mes sujets, car c’est là où j’ai une chance de pouvoir apprendre des choses à mon auditoire.  

Les questions des jeunes sont parfois «  naïves  », mais aussi redoutables dans certains cas  !

Voyez-vous une différence d’approche entre les écoles de management et les écoles d’ingénieurs après le travail mené par le Shift Project  ?  

Historiquement, il faut rappeler que les écoles de commerce ont crû dans le sillage de la mondialisation, en formant des gestionnaires de vastes entités économiques de plus en plus multinationales et complexes. Ce sont donc des établissements qui s’inscrivent dans un système fondamentalement dépendant de flux physiques très intenses et d’une économie vaste. 

Selon moi, le terreau est globalement plus fertile dans les écoles d’ingénieurs car on enseigne des problématiques physiques aux étudiants. Nous n’avons pas besoin des euros pour comprendre ce qu’est l’énergie ; il s’agit d’une grandeur physique régie par des lois physiques, toujours valides et applicables dans leur domaine. 

Des éléments en contradiction avec les limites inhérentes aux ressources planétaires »

Dans les écoles de management, on est essentiellement calé sur la convention humaine (l’économie) et donc un peu plus loin de la réalité sous-jacente. La marche à franchir est nécessairement plus haute pour ramener les étudiants vers des éléments physiques. Parfois, mais pas toujours, ils se rendent compte qu’ils apprennent des éléments en contradiction avec les limites inhérentes aux ressources planétaires. 

Ainsi, pour former les étudiants en écoles de management en accord avec les limites écologiques, le bagage académique actuel ne suffit pas. Parmi les limites de l’économie, il y a le fait qu’il est impossible de faire des prévisions physiques pour l’avenir à partir des prix passés. Il n’est pas non plus possible de calculer un coût de dommage du changement climatique qui permettrait de décider ou non d’agir sur la base d’une analyse économique bénéfice-risque.

Lors de cérémonies de diplomation notamment, certains étudiants ont exprimé leur envie de sortir d’un système ou du moins de le changer de l’intérieur. Qu’en pensez-vous  ? 

La première attitude est l’expression d’un grand désarroi de la part d’étudiants qui doutent de la pertinence de ce qu’ils ont appris ou des débouchés qui leur sont proposés.  

Les étudiants d’AgroParisTech Ecole d’ingénieurs d’agronomie, née de la fusion de l’ENGREF, l’ENSIA et l’INA P-G. qui ont récemment fait parler d’eux considèrent qu’ils ont été préparés à s’inscrire dans un système existant et non à le changer, alors que c’est la deuxième option qui leur semble la bonne. Ils ont profité d’une fenêtre ouverte sur l’extérieur pour le dire publiquement. 

Modifier les cursus pour les mettre en cohérence avec le monde »

Pour répondre à cela, il faut modifier les cursus pour les mettre en cohérence avec le monde dans lequel nous évoluons. C’est très exactement l’objectif du projet ClimatSup du Shift Project, qui a été décliné pour les écoles d’ingénieur et désormais pour les écoles de gestion. 

Une autre façon de réagir n’implique pas de vouloir être “en dehors”, mais au contraire “en dedans” : récemment de jeunes ingénieurs du corps des Mines ont publié une tribune  pour expliquer qu’ils voulaient “lutter de l’intérieur”.

« Une vision globale impulsée par la présidence de la République est nécessaire »

Que pensez-vous du rapport Jouzel, remis à l’ancienne ministre de l'Esri Enseignement supérieur, recherche et innovation Frédérique Vidal Conseillère spéciale du président @ European Foundation for Management Development (EFMD)
, en février 2022 ?

Cela ne se joue pas uniquement au niveau du MESR »

Je ne peux qu’adhérer aux recommandations du rapport  ! Les filières de formation — et donc le corps professoral — ne sont aujourd’hui pas adaptées au monde de demain.

On a, depuis trop longtemps, maltraité les métiers manuels qui sont pourtant indispensables à la transition. L’apprentissage et les diplômes de niveau master doivent être développés pour ces métiers. Il pourrait très bien y avoir des ingénieurs plombiers ! Les filières de formation continue doivent aussi être repensées.  

Pour y arriver, cela ne se joue pas uniquement au niveau du MESR. Les besoins en formation découlent logiquement d’une vision plus globale impulsée par la présidence de la République. Sans cela, il est difficile de décliner ce cadre de manière opérationnelle et cohérente.

Voir ou revoir l’intervention de Jean-Marc Jancovici à Audencia (Conférence Isegoria)

Jean-Marc Jancovici


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Parcours

The Shift Project
Président
Carbone 4
Associé
Haut Conseil pour le climat (HCC)
Membre
Carbon4 Finance
Associé
Manicore
Consultant

Établissement & diplôme


Fiche n° 47724, créée le 04/11/2022 à 12:29 - MàJ le 04/11/2022 à 12:31

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Jean-Marc Jancovici - ©  D.R.