Universités : « un financement plus ambitieux, plus équitable et plus transparent » (F. Pigeon, UJM)
« À Saint-Étienne comme dans beaucoup d’autres universités, nous sommes convaincus qu’il y a une place en France pour un modèle d’universités de taille moyenne répondant au souhait de notre Premier ministre : décomplexée, bien gérée, ouverte tout en étant ancrée sur leur territoire », écrit Florent Pigeon, président de l’Université Jean Monnet, dans une tribune adressée à News Tank, le 17/12/2021.
Il réagit au discours de Jean Castex, Premier ministre, devant la CPU le 16/12. Et prend la parole après le vote d’une motion du conseil d’administration de l’UJM
Université Jean-Monnet Saint-Étienne
, le 13/12. Adoptée à l’unanimité, elle pointe l’insuffisance de la SCSP
Subvention pour charges de service public
octroyée par l’État à l’établissement.
Florent Pigeon appelle à une « réforme en profondeur du modèle de dotation budgétaire des universités qui, aujourd’hui, passe à côté des principes fondamentaux d’équité territoriale d’efficience et de transparence », ce dont l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne « est un parfait exemple ».
« Nous arrivons effectivement à un point de rupture où la précarité de l’ordinaire hypothèque la quête de l’extraordinaire », ajoute-t-il, demandant « l’attribution d’une SCSP qui place chaque établissement dans les meilleures conditions de développement de ses ressources propres ».
Baisse de l’investissement par étudiant
« Le constat a été maintes fois fait que l’accompagnement budgétaire de l’enseignement supérieur et de la recherche n’est ni à la hauteur de la croissance démographique étudiante, ni en capacité de maintenir ou de faire progresser de façon significative le capital humain de notre pays, moteur de croissance à long terme. Malgré une LPR Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur qui imprime un changement, les derniers chiffres de la loi de finances 2022 confirment une fois de plus cette tendance : l’investissement par étudiant aura chuté de 14 % entre 2008 et 2022 et de 7 % entre 2017 et 2022 [1].
Une réforme en profondeur du modèle de dotation budgétaire »Une note récente du Conseil d’analyse économique (Gabrielle Fack et Élise Huillery, Les notes du conseil d’analyse économique, n° 68, Décembre 2021) objective la nécessité de repenser l’ampleur et les orientations de la dépense publique dans l’enseignement supérieur afin de progresser vers plus d’efficacité et d’équité sociale.
Cet objectif, s’il fait l’objet d’un consensus politique, nécessitera au premier chef une réforme en profondeur du modèle de dotation budgétaire des universités qui, aujourd’hui, passe à côté des principes fondamentaux d’équité territoriale d’efficience et de transparence et l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne (UJM), en est un parfait exemple.
Pourtant, notre établissement n’est pas paupérisé et ne fait pas partie de ces universités rencontrant des problèmes budgétaires chroniques.
- Il remplit ses missions de service public, a su se bâtir une politique de développement de ressources propres performante et s’est construit une signature académique particulière qui le distingue à l’échelle nationale, européenne et parfois internationale dans certains domaines. Notre université est une université en mouvement et que nous voulons moderne dans son fonctionnement et ses orientations académiques.
- Il a toujours été dans notre nature de concevoir de grands projets qui croisent les disciplines, les regards et les enthousiasmes. Cette audace est une force de notre université : elle a conduit à de belles réussites dans tous les domaines : la recherche, la formation, l’insertion professionnelle.
Pourtant, l’UJM se classe parmi les universités pluridisciplinaires avec santé les moins bien dotées de France.
L’équité territoriale mise à mal
En 2021, le ratio SCSP Subvention pour charges de service public par étudiant de l’UJM a été estimé par notre tutelle à 5 789 €, contre 7 536 € en moyenne au niveau national pour les universités comparables, c’est-à-dire pluridisciplinaires et comprenant une composante santé [1].
- Sur la base de la dernière notification et des effectifs de l’année universitaire en cours, ce montant serait même porté à 5 675 € par étudiant.
- Pour atteindre la moyenne nationale, il faudrait donc à terme une augmentation de la dotation, d’un montant de +36 666 542 €.
Ce différentiel, déjà pointé dans les mêmes proportions par un rapport de la Cour des comptes de 2017, a des conséquences très concrètes sur le taux d’encadrement et la dynamique scientifique de notre université.
Il représente plusieurs dizaines de postes d’enseignants-chercheurs, de personnels d’appui à nos composantes de formation et laboratoires qui ont connu une croissance d’activité extrêmement soutenue ces dernières années sous l’impulsion d’une politique particulièrement volontariste.
Au travers de cette sous-dotation, c’est aussi l’équité territoriale qui est clairement mise à mal. Comment expliquer qu’un étudiant d’une filière donnée bénéficie d’un environnement de formation et de recherche subventionné à hauteur de 5 789 € à Saint-Étienne, quand il l’est à hauteur de 8 000 € au sein d’universités comparables (en termes de taille et de spécialités).
Sans doute en raison d’un modèle de dotation à bout de souffle, construit sur des bases historiques, qui s’éloigne donc chaque année un peu plus des dynamiques, nationale et locales.
Le développement des ressources propres nécessite que l’ordinaire soit assuré
Les PIA Programme d’investissements d’avenir , ont de toute évidence joué un rôle positif. L’Université Jean Monnet en bénéficie aujourd’hui au travers de Labex Laboratoire d’Excellence , d’une École universitaire de recherche et de diverses autres actions qui permettent indéniablement d’accélérer des transformations nécessaires.
Les Idex Initiative(s) d’excellence et I-site Initiative-Science-Innovation-Territoire-Economie contribuent également à la structuration de l’ESR autour de grands pôles universitaires, même si ces programmes ont pu aussi générer des effets d’aubaine et des projets de fusions d’établissements dont il conviendra d’évaluer les bénéfices à long terme pour les étudiants et pour la qualité de la recherche scientifique française.
Sur ce dernier sujet, la progression de certains établissements dans le classement de Shanghai est aujourd’hui incontestable, mais il convient de ne pas occulter d’autres indicateurs qui tendent à démontrer le recul voire parfois une forme de déclassement de la recherche française en volume de publications scientifiques par an qui « était passé en 2015 au-dessous de celui de l’Italie et en 2018 au-dessous de la Corée du Sud… qui sera rejoint et probablement dépassé par l’Australie, l’Espagne et le Canada dès que les chiffres 2020 seront consolidés »[2].
Dans tous les cas, il est désormais clair, comme l’a exprimé récemment Thierry Coulhon, président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, que « le système d’enseignement supérieur et de la recherche ne peut plus être durablement financé par un ministère de l’ordinaire (ministère de tutelle) et un ministère de l’extraordinaire (SGPI pour les PIA) ».
« Un point de rupture »
Cette réalité est aujourd’hui très présente à l’UJM. Nous arrivons effectivement à un point de rupture où la précarité de l’ordinaire hypothèque la quête de l’extraordinaire. Nous touchons ici à un deuxième principe que devrait respecter le modèle de financement des universités : l’encouragement à l’efficience et l’attribution d’une SCSP qui place chaque établissement dans les meilleures conditions de développement de ses ressources propres.
- Sur la période qui va de 2016 à 2020, la progression des ressources propres de l’UJM a été continue, pour atteindre + 8 %.
- Dans le même temps, le nombre de contrats recherche était multiplié par deux.
- Des résultats d’autant plus remarquables qu’entre 2011 et 2016 la Cour des comptes avait déjà noté une progression de +38 %.
Le volume de ces ressources représente aujourd’hui plus de 20 % du budget 2021 [3], ce qui situe l’UJM dans la première moitié du classement des universités pluridisciplinaires avec une composante santé.
Ces bons résultats s’expliquent notamment par l’augmentation significative du volume des contrats de recherche et par une politique résolument tournée vers l’alternance.
Mais notre capacité à poursuivre le développement de nos ressources externes dépend désormais de nos possibilités à mobiliser de nouvelles ressources humaines et donc à pouvoir financer des heures ou des postes sur la construction et la conduite de nouveaux projets. Comme dans beaucoup d’autres universités, nos marges sont désormais quasiment épuisées en raison d’une sous dotation chronique.
Pour une plus grande transparence
Aux côtés des principes d’équité territoriale et d’efficience, la recherche d’une plus grande transparence de la SCSP Subvention pour charges de service public est sans doute le 3e pilier d’une refonte du financement des universités par l’État. Beaucoup d’universités ont jugé la notification de moyens pour 2022 difficilement compréhensible mêlant par enchevêtrement des compensations de mesures nouvelles et anciennes dont les critères de calculs sont souvent obscurs et éloignés des coûts réels supportés. Ainsi en est-il pour les relèvements successifs de capacités d’accueil et la réforme des études de santé dont le reste à charge pour l’UJM Université Jean-Monnet Saint-Étienne s’établit à plusieurs centaines de milliers d’euros par an.
Refonte de certaines de ses composantes, revalorisation de ses personnels, créations de Graduate Schools, mise en place d’une politique de campus, relèvement significatif de son budget recherche, notre Université ne manque pas de projets structurants.
À Saint-Étienne comme dans beaucoup d’autres universités, nous sommes convaincus qu’il y a une place en France pour un modèle d’universités de taille moyenne répondant au souhait de notre Premier ministre : décomplexée, bien gérée, ouverte tout en étant ancrée sur leur territoire.
Leur pérennité dépend désormais grandement du soutien de l’État et d’une rénovation en profondeur des principes qui le gouvernent.
Florent Pigeon
Président @ Université Jean Monnet - Saint-Étienne
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Parcours
Professeur des universités en physique
Vice-président CA et moyens
Conseiller municipal élu d’opposition
Conseiller général
Directeur du laboratoire Hubert Curien (UMR CNRS)
Adjoint au Maire (PS) chargé de l’urbanisme et du logement, conseiller communautaire Saint-Étienne Métropole
Vice-Président de l’Université, délégué en charge de valorisation de la recherche
Directeur adjoint du laboratoire TSI (UMR CNRS)
Maître de conférences en physique
Établissement & diplôme
Habilitation à diriger des recherches
Doctorat en physique
Fiche n° 43436, créée le 12/04/2021 à 17:56 - MàJ le 03/10/2024 à 16:32
Université Jean Monnet - Saint-Étienne
Catégorie : Universités
Entité(s) affiliée(s) :
Institut d'Administration des Entreprises de Saint Etienne (IAE Saint Etienne)
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Fiche n° 1776, créée le 05/05/2014 à 12:19 - MàJ le 21/11/2024 à 16:21
[1] Source : piketty.pse.ens.fr/files/BudgetEnsSuperieur20002022.xlsx
[2] Source dialogue stratégique de gestion/Mesri - 2020-2021.
[3] Source : tribune de Thierry Coulhon publiée par Le Monde le 11 octobre 2021.
[4] Source : Data ESR, Mesri, 2021.