« Plus de 11 % des déclarations d’invention liées à la Covid-19 en 2020 » (P. Augé, Inserm Transfert)
« Beaucoup de chercheurs ont eu envie d’innover dans le domaine des maladies infectieuses et de proposer des solutions pour lesquelles, un an avant, ils n’auraient jamais imaginé une application. Il en résulte qu’une part non négligeable, plus de 11 % de déclarations d’invention cette année, a été dédiée au sujet de la Covid-19 », déclare Pascale Augé
Présidente de Inserm Transfert @ Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Présidente d’Inserm Transfert
, présidente du directoire d’Inserm Transfert
, à News Tank, le 09/03/2021.
Selon elle, « l’innovation devra s’adapter aussi aux variants qui émergent. Au-delà de la Covid-19, la question se pose donc en soi de l’approche de la recherche et donc de l’innovation sur les maladies infectieuses et émergentes, qui n’étaient pas des domaines aussi centraux avant la crise. Ce domaine pourrait aussi remonter dans l’échelle de priorités des investisseurs ».
Pendant la crise de la Covid-19, la filiale privée de l’Inserm, sous délégation de service public, a dû « reprioriser » ses activités « afin que les sujets et les partenariats autour de la Covid-19 soient systématiquement traités en urgence, tout en conservant des pratiques standards de niveau international ».
Inserm Transfert a aussi fait l’objet d’une évaluation indépendante dont les résultats ont été publiés en décembre 2020 : « Nous sommes heureux qu’elle ait validé un certain nombre de choix que nous avons fait depuis quelques années », indique Pascale Augé.
Parmi eux, le sujet de la création d’entreprise afin « d’ancrer un certain nombre d’acteurs, et en particulier des investisseurs, autour d’Inserm Transfert et de notre processus de création d’entreprises depuis plusieurs années. Cela fonctionne assez bien et globalement les investisseurs sont réceptifs et intéressés par les innovations de l’Inserm ».
« Nous avons repriorisé les processus autour de la Covid-19 »
L’année 2020 a été très intense dans la recherche d’un vaccin et d’un traitement contre la Covid-19. L’année 2021 le sera sûrement tout autant. L’urgence de la situation a mis la pression sur la recherche médicale, mais aussi sur l’accès le plus rapide possible des patients à ces résultats de recherche. Un vrai challenge pour Inserm Transfert depuis sa création ?
Tous nos métiers ont été très impactés. D’abord parce que la recherche en amont a été très sollicitée. Les activités de sourcing ont fait l’objet d’entretiens spécifiques à la Covid-19. La “sourceuse” en charge des maladies infectieuses a été très sollicitée cette année, beaucoup de chercheurs ayant eu envie d’innover dans ce domaine-là et de proposer des solutions pour lesquelles, un an avant, ils n’auraient jamais imaginé une application dans le domaine des maladies infectieuses. Il en résulte qu’une part non négligeable, plus de 11 % de déclarations d’invention cette année, a été dédiée au sujet de la Covid-19.
Sur les années 2021 et 2022, un autre travail va se poursuivre : il s’agit du travail de preuve de concept autour des innovations sorties. En effet, l’innovation devra s’adapter aussi aux variants qui émergent. Au-delà de la Covid-19, la question se pose donc en soi de l’approche de la recherche et donc de l’innovation sur les maladies infectieuses et émergentes. Jusque-là, ce n’était pas le sujet majeur de l’ensemble des acteurs industriels. On parlait beaucoup d’oncologie et d’autres domaines, mais les maladies infectieuses n’étaient pas aussi centrales.
Quels ont été les effets de la crise sur votre stratégie partenariale ?
Les métiers du partenariat exercés par Inserm Transfert ont aussi été touchés, car beaucoup d’initiatives et de collaborations ont émergé sur la Covid-19. Cela a aussi concerné des montages pour obtenir des financements publics nationaux ou européens sur des sujets comme les IMI (Innovative medicines initiative). L’Inserm a eu la chance de coordonner un projet très ambitieux qui permet de travailler ces logiques d’approches contre la Covid-19 avec des essais cliniques médicamenteux.
Dans le département “marketing & partenariats industriels” d’Inserm Transfert, l’équipe en charge des données de santé et de la recherche clinique a été extrêmement sollicitée cette année du fait de l’ensemble des relations partenariales avec les industriels, mais aussi avec les académiques européens et internationaux, qu’il fallait mettre en place. Le travail autour de la Covid-19, que ce soit via des approches thérapeutiques, vaccinales ou d’accès aux données en aval des résultats d’étude existants a représenté au moins 50 % de leur activité.
L’organisation d’Inserm Transfert
« Inserm Transfert se compose de deux grands types de métier : d’une part, les métiers de l’innovation et de la valorisation, et de l’autre les métiers du financement de la recherche collaborative avec le montage, le management et le suivi de projet nationaux et européens.
Sur la branche innovation, nous avons :
• Les métiers du sourcing c’est-à-dire de la détection des innovations. Cela consiste à rencontrer les chercheurs, parler avec eux et faire émerger les innovations ou les opportunités de travail collaboratif, y compris autour des partenariats privés ;
• les métiers de la protection intellectuelle ;
• les métiers de la preuve de concept, qu’on appelle aujourd’hui davantage la maturation ;
• et tous les métiers du partenariat, de la relation industrielle et/ou de la création d’entreprise. »
Avez-vous simplifié ou adapté les processus de transfert ou de mise en place de partenariat en raison de l’urgence de la situation ?
Nous avons surtout priorisé les processus. Dans le contexte de la crise sanitaire et avec tous les impacts que cela peut induire, il a été particulièrement important d’avoir les démarches les plus objectives, les plus rationnelles et les mieux pensées sur l’ensemble de la structuration des relations partenariales, y compris avec les industriels.
Nous sommes donc restés sur des pratiques standards de niveau international. En revanche, nous avons repriorisé afin que les sujets et les partenariats autour de la Covid-19 soient systématiquement traités en urgence.
21 % des dépôts de brevets relatifs à la Covid-19 en 2020
« S’agissant des demandes d’invention, plus de 11 % des 252 cette année sont liées à la Covid-19. Pour les dépôts de brevet, le chiffre monte à environ 21 % », indique Pascale Augé.
« Autant, la partie détection consiste à faire remonter l’innovation, autant la partie brevet est stratégique dans une logique de compétition internationale. Il est important de breveter au bon moment si on veut que la France ait toute sa place dans la compétition mondiale. C’est la raison pour laquelle la part de brevets est plus importante que la part de détection pour laquelle nous pouvons nous donner plus de temps pour réfléchir ».
Inserm Transfert fait le lien entre chercheurs, industriels et investisseurs. Avez-vous constaté un regain d’intérêt des investisseurs pour les technologies de santé depuis le début de la crise sanitaire ?
Les investisseurs sont réceptifs et intéressés par les innovations de l’Inserm »Nous n’avons pas constaté de changement particulier. En effet, les actifs et les start-up qui émanent de l’Inserm ont plutôt un bon accueil chez les investisseurs français et internationaux. Nous avons beaucoup travaillé le sujet de la création d’entreprise afin d’ancrer un certain nombre d’acteurs, et en particulier des investisseurs, autour d’Inserm Transfert et de notre processus de création d’entreprises depuis plusieurs années. Cela fonctionne assez bien et globalement les investisseurs sont réceptifs et intéressés par les innovations de l’Inserm.
La question que nous pourrions nous poser serait plutôt : ‘Est-ce que cette année, les investisseurs sont plus réceptifs aux innovations concernant les maladies infectieuses et les vaccins ?’. En effet, le sujet vaccination contre des maladies infectieuses était un parent pauvre dans la sphère des investisseurs et cela est susceptible de changer, mais leur appétence pour les innovations de l’Inserm est bien présente.
Nous créons une dizaine de start-up par an »Nous créons une dizaine de start-up par an, dont un certain nombre lèvent en amorçage entre 4 et 6 M€, en série A entre 15 et 20 M€, et en série B au-delà de 40 M€. Nous avons beaucoup d’intérêt depuis quelques années non seulement de la part d’investisseurs français, mais aussi d’investisseurs internationaux. Sur les trois ou quatre dernières années, il y a aussi des investisseurs asiatiques, intéressés à créer des sociétés en France avec des actifs français. Vu l’actualité sur les maladies infectieuses, ce domaine pourrait remonter dans l’échelle de priorités des investisseurs.
Inserm Transfert a fait l’objet d’une évaluation externe indépendante en décembre 2020, laquelle a loué votre travail de valorisation et vos résultats en termes de transfert de technologie. Que retenez-vous de cet examen de vos compétences ? Où se situe la marge d’amélioration ?
Une évaluation souhaitée par le président de l’Inserm en 2019 »C’est une évaluation qui était souhaitée par le président de l’Inserm à son arrivée en 2019. Une équipe d’experts de différents domaines a donc été mandatée pour analyser Inserm Transfert sous toutes les coutures. Cela nous a permis aussi de savoir si nous étions sur les bons rails ou s’il fallait moduler certaines choses pour l’avenir. Ce regard extérieur nous a permis de voir où nous en étions et de valider notre trajectoire.
Nous sommes heureux que cette évaluation ait validé un certain nombre de choix qu’Inserm Transfert a fait depuis quelques années. Il est clair que nous devons poursuivre et amplifier la stratégie engagée sur la création d’entreprises. L’évaluation a salué le Parcours pré-entrepreneurial (PPE) que nous avions mis en place en 2017, la mutualisation du travail que nous avons opérée avec le consortium Human Health Startup Factory avec CNRS Centre national de la recherche scientifique Innovation, Deep tech Founder, la Satt Sociétés d’accélération du transfert de technologies Erganeo, ou encore le travail réalisé dans le cadre du SIA Satt Incubateur Accélérateur pour lequel nous sommes lauréats avec Paris Biotech Santé, l’Université de Paris et l’AP-HP Assistance publique-hôpitaux de Paris . Nous allons poursuivre et amplifier également ce volet-là.
Enfin, tout le travail commencé en 2012 sur les données de patients et l’intelligence artificielle a été mis en évidence par l’évaluation et nous allons continuer à le renforcer. Cela nous donne des pistes et des lignes directrices importantes pour l’avenir.
Côté grandes alliances, nous allons aussi continuer et cela fait partie des objectifs que nous nous sommes fixés pour le prochain COP Contrat d’objectifs et de performance de 2021 à 2025 que nous mettons déjà en place.
Quelles sont vos relations avec l’écosystème de valorisation comme les Satt Sociétés d’accélération du transfert de technologies ? Quels sont vos relais dans les régions ?
Le rapport d’évaluation a proposé que ce soit Inserm Transfert qui représente l’Inserm dans l’actionnariat des Satt dont il est actionnaire. Nous avons donc mis en place cette recommandation et nous représentons l’Inserm au CA Conseil d’administration de six Satt (Connectus, Erganeo, Aquitaine Science Transfert, Sud-Est, AxLR et Sayens).
Nous représentons l’Inserm au CA de six Satt »Par ailleurs, depuis 2014, nous avons mis en place plusieurs modes de travail extrêmement pragmatiques avec nos partenaires Satt et fondés sur la prise en compte des contraintes de chacun. Nous avons aujourd’hui des alliances avec neuf Satt, des initiatives de type Normandie Valorisation, C-valo, des Idex Initiative(s) d’excellence , etc.
Globalement nous sommes sur un fonctionnement qui utilise la notion de mandataire unique, sachant que l’Inserm n’a que des UMR Unité mixte de recherche avec l’université, parfois avec l’université et le CNRS, et parfois avec deux universités et le CNRS. L’idée est qu’entre tutelles des laboratoires, les institutions s’organisent pour savoir qui prend le rôle de mandataire unique. Ce mandataire unique délègue ensuite l’activité de valorisation soit à une Satt soit à Inserm Transfert s’il s’agit de l’Inserm.
L’étendu des activités varie en fonction des régions (exploitation de la propriété intellectuelle ou exploitation de la propriété intellectuelle et partenariats industriels). Ensuite nous travaillons avec nos partenaires pour que tous les dossiers puissent bénéficier d’un accompagnement de type “preuve de concept” ou “maturation” et que le dossier soit traité par l’acteur ayant la meilleure expertise dans le domaine associé.
Nous pouvons donc échanger les dossiers en fonction de nos domaines d’expertises, de façon à ce que, s’ils visent un acteur économique local, ils puissent passer dans les mains de notre partenaire régional, et s’ils sont dans une logique davantage nationale, voire internationale, ils soient plutôt entre nos mains.
Aujourd’hui, les choses sont très fluides. L’idée est de pouvoir continuer à travailler cette approche en regardant de façon encore plus précise, localement, s’il y a encore soit des trous dans la raquette, soit des besoins d’amplification d’actions spécifiques pour adapter notre réponse.
Avez-vous pu créer des start-up cette année malgré le contexte ?
De belles levées de fonds associées à nos dernières créations de start-up »Oui nous avons accompagné la création de plusieurs start-up et nous avons même réussi à mettre en place les rencontres du Parcours pré-entrepreneurial et le HHSF Human Health Startup Factory . Certes le contexte en visio n’est pas idéal et j’appelle de mes vœux le fait que nous puissions revenir à des conditions plus adéquates.
Nous avons eu de belles créations et surtout de belles levées de fonds associées aux dernières créations. Je pense en particulier à Innoskel qui a levé 20 M€ en décembre 2020.
Le Gouvernement a récemment lancé plusieurs initiatives pour dynamiser l’interdisciplinarité entre la santé et le numérique, comme par exemple avec le projet PariSanté Campus au Val de Grâce, ou encore le lancement de la nouvelle feuille de route du CSIS Conseil stratégique des industries de santé . Est-ce suffisant à vos yeux ?
Ce sont des initiatives de l’État, mais pour autant, ce ne sont pas les seules initiatives qui existent. L’Inserm avait déjà travaillé avec Inria Institut national de recherche en informatique et en automatique pour faire un appel à projets de recherche commun en vue d’équipes communes de chercheurs sur cette transdisciplinarité. Nous avions aussi travaillé ensemble sur la création d’entreprise avec Inria et Inria Start-up Studio. Cette convergence des initiatives est particulièrement opportune. D’ailleurs, l’Inserm et Inria sont des acteurs partenaires du projet PariSanté Campus.
Cette dynamique d’ensemble a aussi besoin d’initiatives fortes de l’État pour prendre une dimension supplémentaire. Ce sont des choses qui vont plutôt dans le bon sens.
Qu’a-t-il manqué à la France dans sa recherche d’un vaccin contre la Covid-19 ?
L’énorme avantage de BioNTech était la capacité de son système à ARN à se refocaliser assez vite pour développer et produire un vaccin contre une nouvelle pathologie dans un temps très court. Il y a un certain nombre de start-up qui se positionnent aujourd’hui sur ces sujets-là, c’est leur façon de travailler.
Discovery est le premier essai clinique à cinq bras »Au-delà des multiples critiques entendues, ce que nous ne disons pas assez c’est que, par exemple, Discovery est le premier essai clinique à cinq bras qui a permis de comparer et de donner une analyse scientifique sur les substances impliquées. C’est une première et nous pouvons être fiers que ça soit la France qui ait réalisé ce projet, même si les résultats ne sont pas ceux qui étaient globalement attendus. Pour autant, cela démontre la capacité de la France à répondre à de vraies questions de façon solide scientifiquement.
La recherche française est reconnue dans le secteur de la santé et pour autant les biotechs très prometteuses en France ont tendance à partir à l’étranger pour se développer, car il y a un manque de financement pour qu’elles passent à l’échelle… Qu’en pensez-vous ?
Quand une start-up atteint l’étape de son développement où elle nécessite des financements de plus de 50 M€, elle a forcément besoin d’un environnement international. La sortie peut alors se traduire par un rachat par un grand industriel, et en France, c’est un fait, nous avons peu de grands industriels dans le domaine pharmaceutique, le peu que nous ayons n’étant pas en mesure de tout absorber. La probabilité d’un rachat par une entreprise étrangère est par conséquent présente et c’est même classique.
L’autre sortie possible est la cotation en bourse (IPO Initial Public Offering ), mais là encore les marchés boursiers prédominants et à forte capacité de liquidités sont le Nasdaq National association of securities dealers automated quotations , voire la bourse de Hong-Kong, induisant un tropisme américain voire asiatique pour nos start-up.
Ce n’est pas la problématique de la recherche ni de la valorisation en tant que telle. C’est beaucoup plus large que cela et c’est bien plus en aval. Il faut évidemment que nous y travaillons collectivement pour que le développement de nos sociétés soit au niveau d’excellence de la recherche et de la valorisation française et européenne.
Pascale Augé
Présidente de Inserm Transfert @ Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Présidente d’Inserm Transfert
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Parcours
Présidente de Inserm Transfert
Responsable du service de transfert de technologie
Administratrice européenne et codirectrice du programme « Women in Science »
Présidente du comité d’évaluation du programme « Émergence »
Directrice de mission senior en charge des sciences de la vie et des technologies pour la santé
Développement commercial
Fiche n° 3110, créée le 19/03/2014 à 10:49 - MàJ le 15/09/2014 à 18:31
Fiche n° 11886, créée le 19/03/2021 à 02:52 - MàJ le 31/10/2024 à 12:05