Rentrée dans le supérieur et LPR : « Encore loin du compte » pour le Sgen-CFDT
« Alors qu’on annonce 35 000 étudiants supplémentaires en cette rentrée : quelles solutions ont été apportées pour y faire face ? Il nous semble que les moyens n’ont pas été réévalués à l’aune des besoins et de la crise. Certes, il y a le plan de relance, mais pour ce qui est de cette rentrée, on est loin du compte. Et ce alors que les équipes sont épuisées », déclare Franck Loureiro
Directeur du pôle éco-campus et infrastructures @ Université de la Réunion
, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT
Syndicat général de l’Éducation nationale - Confédération française démocratique du travail
, le 17/09/2020 à l’occasion d’un point de rentrée.
Le syndicat revient sur la mise en place de l’hybridation au sein des établissements. « Cela peut être une opportunité, mais cela suppose une vraie reconnaissance. Or, tous les établissements ne sont pas accompagnés, et la conséquence est que nombre d’entre eux affichent une reprise en présentiel à 100 %, ouvrant la porte à des clusters », indique Françoise Lambert, secrétaire fédérale du syndicat, qui estime qu’il aurait « mieux valu redémarrer avec une hybridation légère, mais reconnue ».
L’autre grande actualité de la rentrée est la LPR
Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur
, dont l’examen en commission à l’Assemblée nationale a eu lieu les 14 et 15/09. « À la question de savoir si la nouvelle version du texte parait mieux répondre aux attentes des personnels, la réponse est non, malgré quelques avancées, mais nous sommes encore loin du compte », estime Franck Loureiro.
Il cite notamment le volet financement de la recherche. La proposition soutenue par la CFDT
Confédération française démocratique du travail
de passer la programmation de dix à sept ans n’a ainsi pas été retenue, « ni celle d’augmenter fortement les premières marches de programmation (2021-2023) qui permettrait pourtant d’envoyer un message clair à la communauté scientifique ». Il espère pouvoir peser dans les étapes suivantes de la discussion parlementaire.
En parallèle, le syndicat continue de négocier avec le Mesri
Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
autour du protocole sur la revalorisation des carrières scientifiques. « La seconde version n’est toujours pas satisfaisante, et donc les discussions continuent autour de quelques points d’achoppement, notamment la part socle ou le repyramidage », indique-t-il. Une troisième version est attendue dans les prochains jours.
Franck Loureiro se dit par ailleurs déçu du peu d’intérêt que suscite la LPR : « On voulait qu’elle ouvre une discussion dans la société sur ce qu’est la recherche et sa place dans le débat public. Cela aurait dû être le cas à l’Assemblée nationale, mais force est de constater que les échanges étaient assez pauvres. Or, il y a urgence, on le voit avec les anti-vaccins, cela doit interroger sur la façon dont la parole scientifique est portée. »
Rentrée universitaire et hybridation : une disparité des situations
Concernant la rentrée, Franck Loureiro estime qu’il y a « autant de situations que d’établissements et même que d’UFR Unité de formation et de recherche ». Il l’explique par le fait que la circulaire de rentrée était « assez souple, entre plusieurs scénarios à choisir, et une part d’hybride à déterminer, mais avec très peu de temps pour se préparer. Et donc les composantes ont fait comme elles ont pu ».
Il souhaite que le Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation accompagne les établissements, et que ces derniers accompagnent à leur tour les équipes « pour mutualiser expérience, pratiques et moyens ».
« Tout cela nécessite de l’argent. Or pour le moment, la seule réponse du Mesri aux demandes des établissements est de dire : faites et on compensera. Cela fait que les optimistes piochent sur leur budget sans avoir la garantie d’un retour, les pessimistes font a minima, et les réalistes investissent, mais pas trop. Cela crée une diversité des réponses qui n’est pas acceptable. Car au-delà de la rentrée, c’est le reste de l’année où on court à la catastrophe. »
Le Sgen-CFDT Syndicat général de l’Éducation nationale - Confédération française démocratique du travail ne se dit pas opposé à l’hybridation : « Au contraire, elle est intéressante, car elle tend à remettre les étudiants davantage au centre de la formation, à les rendre plus acteurs et moins consommateurs. Cela permet à l’enseignant de voir où sont les difficultés, et redonne du sens aux apprentissages… à condition d’avoir un accompagnement et donc des moyens », estime Françoise Lambert.
Or, selon elle, la réponse du Mesri s’est limitée à l’appel à projets lancé avant l’été, « ce qui ne permet pas d’accompagner l’ensemble des collègues qui se sont investis pour trouver des solutions pendant le confinement et pour préparer la rentrée. Sachant que la situation financière des universités est déjà rendue plus difficile avec la Covid. »
« On nous demande de faire de l’hybridation, mais sans mettre plus de personnels supports, notamment dans les DSI Direction des systèmes d’information qui sont pourtant indispensables sur le volet numérique », ajoute Franck Loureiro
Création de 30 000 places : « La programmation pluriannuelle est une bonne chose »
Interrogé sur l’annonce de 30 000 places supplémentaires dans le supérieur dans le cadre du plan de relance, Franck Loureiro estime que « ce qui est intéressant, c’est la programmation sur trois ans qui donne plus de visibilité. D’habitude, les créations de places relèvent du marchandage entre la Dgesip Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle et les établissements, place par place. Or, pour faire du pilotage, il faut une vue sur du moyen terme. »
Quant aux 180 M€ annoncés pour financer ces places, il indique que les adhérents sont en train de voir comment s’en emparer, « et si ce sera à la hauteur des besoins, mais on ne se fait pas trop d’illusions… »
Égalité des chances : « Il faut changer les principes d’attribution des dotations »
Frédérique Vidal
Conseillère spéciale du président @ European Foundation for Management Development (EFMD)
, ministre de l'Esri
Enseignement supérieur, recherche et innovation
, a annoncé lors de sa conférence de presse de rentrée que l’égalité des chances serait un des chantiers pour 2020-2021. Interrogé à ce sujet par News Tank, Franck Loureiro indique que « tout ce qui va dans le sens de l’accompagnement des étudiants les plus éloignés des codes universitaires est positif. C’est d’ailleurs pour cela que nous avions soutenu la loi ORE
Orientation et réussite des étudiants
qui promettait de changer de paradigme ».
Parmi les mesures qui y concourent : le développement de l’accès des bacs pros au BTS Brevet de technicien supérieur , et les remédiations par les « oui si » à l’université. « Mais cela pose la question du rôle de l’État dans le suivi de ces mesures, car si les universités ont des moyens, l’État doit vérifier qu’ils sont bien affectés pour répondre aux objectifs », indique Françoise Lambert.
Elle cite aussi d’autres mesures comme les campus connectés « qui peuvent lever les barrières géographiques et psychologiques de certains élèves, mais il faut autour de cela voir comment on construit des formations pour répondre à un public qui a besoin d’accompagnement et de socialisation ».
Franck Loureiro pointe toutefois un problème de fond autour de la dotation des établissements. « Dans le supérieur, on fait l’inverse du scolaire, c’est-à-dire que les moyens sont mis davantage sur les filières où il y a de très bons étudiants comme les CPGE Classe préparatoire aux grandes écoles . On doit changer les principes d’attribution des dotations afin qu’ils tiennent compte des publics accueillis ».
Selon lui, le Plan jeunes du gouvernement « a oublié les étudiants dans les universités ». Il indique que la CFDT va « dans son ensemble, et en lien avec les organisations étudiantes et de jeunesse » porter ce message auprès du gouvernement, « qui doit apporter une réponse globale à la jeunesse ».
LPR : le Sgen continue à pousser ses revendications
La programmation financière
Alors que l’examen de la LPR Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur va débuter en séance publique à l’Assemblée nationale le 21/09, Franck Loureiro espère que les députés reviendront sur la programmation financière. « Nous avons rencontré l’ensemble des groupes parlementaires et fait des propositions d’amendements, notamment sur la demande de passer la programmation de dix à sept ans, et qui est aussi soutenue par la CPU Conférence des présidents d’université . Nous avions reçu une demande assez attentive, mais la proposition en commission a été rejetée ».
L’argument avancé par le gouvernement était notamment que le plan de relance allait venir abonder les programmes de la Mires.
« Mais cela viendra surtout abonder les fonds ANR Agence nationale de la recherche . Et si la CFDT n’est pas opposée au principe des AAP Appel à projets , on constate aujourd’hui que le financement de la recherche ne se fait que par ce principe. Or, cela prend du temps aux équipes, alors que les taux de succès sont faibles. Surtout, cela aboutit à ce qu’en période de sécheresse, on continue à arroser les fleuves ! », ajoute le secrétaire général, qui indique poursuivre « le travail de rencontres des parlementaires pour pousser nos revendications ».
Les mesures RH Ressources humaines
Parmi les autres revendications : la suppression de l’article 3 qui instaure les chaires juniors. « C’est un dispositif qui ne convient pas à la majorité des personnels, et je suis très surpris d’entendre la ministre affirmer le contraire. »
Sur le fond, il remet en cause les arguments de la ministre et des rapporteurs, notamment celui que les chaires juniors permettraient de retenir les talents ou de les faire revenir de l’étranger. « On doute qu’un très bon candidat de l’étranger veuille venir sur une chaire qui lui propose tout au plus 300 k€ en environnement global, ce qui est très peu par rapport à d’autres pays notamment anglo-saxons. »
Quant à l’idée que les chaires amélioreraient l’égalité femmes-hommes, il note que les dispositifs de tenure track à l’étranger « montrent au contraire plus d’hommes que de femmes, car comme pour les PEDR Prime d’encadrement doctoral et de recherche , ces dispositifs ont tendance à se concentrer sur les sciences dures où il y a plus d’hommes ».
Le Sgen souhaite aussi la suppression des CDI Contrat à durée indéterminée de missions. « Ils n’ont de CDI que le nom, car les CDI existent par ailleurs dans la fonction publique et sont encadrés. Par ailleurs, on ne peut pas laisser entendre que des personnels de la recherche ne seraient pas en capacité de s’adapter à un nouveau projet lorsqu’ils arrivent au bout d’un premier projet. »
Protocole RH : les points d’achoppement
Plusieurs organisations syndicales, dont le SNTRS-CGT Syndicat National des Travailleurs de la Recherche Scientifique - Confédération générale du travail ou la FSU Fédération syndicale unitaire sont hostiles au protocole sur les carrières scientifiques. Si la CFDT a accepté de participer aux négociations avec le cabinet de Frédérique Vidal, « c’est parce que cela permet de discuter de l’utilisation des fonds prévus sur les RH dans le titre 1, la façon dont ils vont être ventilés, et permet d’officialiser de façon transparente cet accord », indique Franck Loureiro.
Un type de process auquel la CFDT est historiquement favorable, dit-il, « car cela permet que chaque organisation syndicale prenne ses responsabilités au regard des personnels qu’il représente ».
Pour autant, la seconde version présentée par le Mesri début septembre n’est pas satisfaisante pour le Sgen, qui évoque plusieurs points d’achoppement :
- La ventilation entre part statutaire / fonction / individuelle : « les taux ne correspondent pas aux attentes, nous voulons une part statutaire, dite “socle”, de 80 % ce qui permettrait d’avoir une prime statutaire pour les E-C enseignant(s)-chercheur(s) de 7 500 € annuels contre à peine 5 000 € proposés par le Mesri actuellement. La part individuelle de 25 % dans la V2 ne nous va pas, car les primes individuelles sont très discriminantes notamment à l’égard des femmes ».
- Le repyramidage : « Le Mesri proposait de faire passer 1 000 emplois de catégorie C en B, mais le réserve aux BAP Branche d’activité professionnelle scientifiques. Or, la recherche est une affaire pluridisciplinaire, et ne doit pas exclure une partie des agents. La V2 permet une première avancée avec une répartition qui se ferait sur l’ensemble des BAP, mais il faut aller plus loin en élargissant le nombre d’agents concernés ».
- La suppression de la possibilité de transformer des indemnités en décharges de services : « Cette demande n’est pas acceptable, car les E-C demandent à avoir du temps notamment pour l’enseignement et la recherche. Et cela nous semble incohérent avec le principe de la LPR qui est de faire plus et mieux de recherche ! Le Mesri nous a entendus et a supprimé cette phrase du protocole, et renvoie au comité de suivi la nécessité de trouver de nouvelles modalités pour transformer ces primes en décharges, afin de les réguler. Ce que nous entendons parfaitement. »
CFDT Éducation, Formation, Recherche Publiques (SGEN - CFDT)
Syndicat français affilié à la CFDT.
Catégorie : Syndicats
Adresse du siège
2 boulevard de la Villette75019 Paris France
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Fiche n° 4527, créée le 30/11/2016 à 10:22 - MàJ le 13/11/2024 à 17:46