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« Repenser l’internationalisation des établissements d’enseignement supérieur » (Sébastien Linden)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Analyse n°186439 - Publié le 23/06/2020 à 15:02
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Sébastien Linden - ©  D.R.

« La priorité n’est pas seulement de relancer les mobilités [après la crise du coronavirus] mais aussi de penser la place de l’international dans l’enseignement, la recherche et l’action des universités et écoles », écrit Sébastien Linden, dans une chronique pour News Tank, le 23/06/2020. 

L’ancien attaché de coopération scientifique et universitaire en Israël et ancien responsable des affaires internationales pour le Maghreb et le Moyen-Orient, aujourd’hui consultant en matière d’internationalisation, estime que « les mobilités ne doivent pas être une fin en soi comme elles le sont devenues parfois, mais un outil, parmi d’autres, pensé au regard d’un projet pédagogique, scientifique et institutionnel ». 

« Si l’internationalisation de l’enseignement supérieur a beaucoup été valorisée pour sa dimension universelle et coopérative, elle s’est aussi souvent traduite par une approche compétitive : recruter les meilleurs étudiants, développer des programmes permettant d’augmenter les revenus, améliorer la place dans les classements », observe Sébastien Linden.

« Si ces objectifs sont légitimes, d’autres enjeux pourraient être mis en avant : préparation à un monde global, qualité de la formation, de la recherche, inclusion, impact social, soutien aux pays en développement… »

« Repenser la stratégie internationale d’un établissement invite à redéfinir le rôle des directions des relations internationales, dont la mission ne peut plus se limiter à développer des partenariats, gérer des mobilités et promouvoir les programmes », analyse-t-il aussi.


Répondre à l’impact de la crise sur les mobilités étudiantes, cœur de la stratégie internationale dans de nombreux établissements

Les grandes écoles et les universités seront les dernières institutions à rouvrir »

Comme tous les secteurs, l’enseignement supérieur a été très affecté par la crise du coronavirus : campus fermés, mobilités étudiantes annulées, conférences scientifiques reportées. Alors que les différentes activités économiques et sociales redémarrent progressivement en France, les grandes écoles et les universités seront les dernières institutions à rouvrir, à la rentrée 2020, avec toujours quelques incertitudes sur les modalités précises.

De nombreux d’établissements, en France et ailleurs, se réjouissent d’avoir réussi à passer, quasiment du jour au lendemain, à un enseignement totalement à distance, en s’appuyant sur des technologies et expériences pédagogiques déjà engagées.

Mais, parmi les impacts négatifs de la crise, beaucoup s’inquiètent des conséquences sur leur stratégie internationale. Ils les mesurent à la difficulté d’organiser les échanges étudiants à la rentrée et à une baisse attendue du nombre d’étudiants étrangers, en raison des restrictions sur les déplacements, des craintes des étudiants en matière de santé et des difficultés financières de leurs familles.

Mobilité : l’espoir de revenir à la « normale »

Pour un grand nombre d’établissements, le principal enjeu est de revenir le plus vite possible à une « situation normale » en matière de mobilités.  

Pour beaucoup, celles-ci représentent en effet le cœur de l’internationalisation de l’enseignement supérieur.

Elles constituent un enjeu fondamental, pour leurs ressources, lorsque les étudiants étrangers paient des droits de scolarité élevés (comme aux États-Unis, en Australie ou au Royaume-Uni par exemple), pour leur réputation et leur place dans les classements internationaux, pour leur influence, lorsque l’on se situe au niveau des États.

La stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux « Bienvenue en France », par exemple, lancée en novembre 2018 par le gouvernement, avait pour objectif d’accueillir 500 000 étudiants en France en 2027 (contre 358 000 selon les chiffres les plus récents) et de préserver son rang mondial (4e à l’époque, 5e  aujourd’hui) face à la concurrence accrue de certains pays.

Des efforts de marketing et de communication

« Une forme de régionalisation accrue des mobilités » »

Beaucoup d’établissements vont donc adapter et démultiplier leurs efforts de marketing et de communication pour attirer les meilleurs étudiants et diversifier leurs viviers de recrutement ; au niveau national, Campus France a lancé une campagne de communication pour rassurer les étudiants sur leur accueil en France à la rentrée.

Face à une forme de régionalisation accrue des mobilités (les étudiants envisageant des études dans un pays plus proche du leur), des établissements développeront des formations dans plusieurs pays, à travers des campus délocalisés, des franchises ou des partenariats.

Certains réfléchissent aussi à proposer des formations totalement à distance pour les étudiants étrangers, exploitant la réussite des cours en ligne pendant la crise ; les plus avancés intègrent l’expérience de la réalité virtuelle et diverses modalités adaptées à des travaux en groupe, du tutorat et même des stages virtuels.

Certains établissements envisagent, de leur côté, de développer d’autres formes, plus courtes, de mobilités ou de mettre l’accent sur les mobilités encadrées dans le cadre de partenariats et de doubles diplômes.

Repenser l’internationalisation dans une approche globale au sein des établissements

Mais les mobilités étudiantes et le recrutement d’étudiants étrangers constituent-ils les seuls enjeux de l’internationalisation de l’enseignement supérieur dans cette période de crise ?

La focalisation sur les mobilités fait l’objet de critiques »

On peut souligner tout d’abord que la focalisation sur les mobilités fait l’objet de critiques depuis plusieurs années :

  • elles ne concernent qu’une minorité d’étudiants (2,4 % au niveau mondial), en général économiquement avantagés ;
  • elles ont souvent un impact limité sur l’expérience des autres étudiants ;
  • elles sont dominées par les pays du Nord et renforcent le brain drain ;
  • elles contribuent au réchauffement climatique.

La crise du coronavirus a montré à la fois l’interconnexion des différentes régions du monde et les difficultés à organiser une réponse concertée sur les plans politique, économique et même scientifique. Elle met donc en lumière un enjeu central pour l’enseignement supérieur : former les étudiants à la compréhension d’un monde globalisé, les préparer à y vivre et travailler et à apporter des réponses coordonnées à ses défis, peut-être aussi les encourager à construire un nouveau monde prenant en compte les implications sociales et environnementales.

Penser la place de l’international dans l’enseignement

La priorité n’est donc pas seulement de relancer les mobilités, mais aussi de penser la place de l’international dans l’enseignement, la recherche et l’action des universités et écoles, à partir de quelques interrogations fondamentales.

  • Qu’est-ce que l’internationalisation ?
  • Pourquoi internationaliser ?
  • Comment l’internationalisation s’articule-t-elle avec l’identité de l’institution, sa mission, sa vision, ses valeurs ?
  • Quels sont les objectifs ? Comment les différentes directions intègrent-elles la dimension internationale ?
  • Qui fait quoi ?

Les mobilités ne doivent pas être une fin en soi comme elles le sont devenues parfois, mais un outil, parmi d’autres, pensé au regard d’un projet pédagogique, scientifique et institutionnel, sur la base de quelques questions.

  • Quelles expériences et compétences les séjours d’études à l’étranger apportent-ils ?
  • Quelle est la contribution des étudiants internationaux à la formation de l’ensemble des élèves de l’établissement grâce à une implication réussie ?
Une forme d’abandon, voire de rejet et de racisme »

La crise a d’ailleurs montré, dans certains pays, la faible solidarité avec les étudiants étrangers restés sur place, lorsqu’ils ont été confrontés à des difficultés pratiques, administratives, financières, sociales, avec parfois une forme d’abandon, voire de rejet et de racisme.

Les objectifs de l’internationalisation

Repenser l’internationalisation signifie aussi que le projet international n’est pas le même partout. Il dépend beaucoup des priorités de l’institution.

Si l’internationalisation de l’enseignement supérieur a beaucoup été valorisée pour sa dimension universelle et coopérative, elle s’est aussi souvent traduite par une approche compétitive : recruter les meilleurs étudiants, développer des programmes permettant d’augmenter les revenus, améliorer la place dans les classements.

Si ces objectifs sont légitimes, d’autres enjeux pourraient être mis en avant : préparation à un monde global, qualité de la formation, de la recherche, inclusion, impact social, soutien aux pays en développement…

Il s’agit de penser l’internationalisation de façon large, notamment par l’apport de « l’internationalisation à domicile », qui intègre une approche globale, internationale et interculturelle dans les programmes, les cours, les pédagogies, l’expérience étudiante sur le campus et dans le territoire, afin de toucher tous les étudiants.

Redéfinir le rôle des directions des relations internationales

Aujourd’hui, de nombreux établissements développent, par des cours et des projets en ligne associant des étudiants de différentes institutions, des « mobilités virtuelles » ; si elles offrent une alternative aux mobilités physiques à court terme, elles devraient aussi être conçues à moyen terme comme un outil de l’internationalisation au bénéfice du plus grand nombre.

Repenser la stratégie internationale d’un établissement invite enfin à redéfinir le rôle des directions des relations internationales, dont la mission ne peut plus se limiter à développer des partenariats, gérer des mobilités et promouvoir les programmes.

Elles doivent être des acteurs de transformation, de mobilisation des équipes et de coordination avec les autres directions, dont la dimension internationale a vocation à se renforcer (recherche, formation continue, relations alumni, relations entreprises…).

Sébastien Linden

Email : linden.consultant@gmail.com

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Parcours

Linden & Swift
Associé gérant
Ambassade de France en Israël
Attaché de coopération scientifique et universitaire
Sciences Po Paris (IEP Paris)
Responsable des affaires internationales pour le Maghreb et le Moyen-Orient
Sciences Po Paris (IEP Paris)
Chef de projet, mission de conseil pour la création d’une grande Ecole au Maroc
Sciences Po Paris (IEP Paris)
Chargé de mission auprès du directeur
Sciences Po Paris (IEP Paris)
Chef de projet, Expérimentation dans des lycées de Seine-Saint-Denis
Sciences Po Paris (IEP Paris)
Secrétaire général de l’Ecole doctorale
Sciences Po Paris (IEP Paris)
Chargé des relations avec les élus
Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE)
Chargé des relations avec les élus
Association des Petites Villes de France (APVF)
Chargé de mission

Établissement & diplôme

Dauphine - PSL
DESS Gestion publique

Fiche n° 39791, créée le 23/06/2020 à 09:15 - MàJ le 27/01/2021 à 17:01

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