Un appel à « refonder l’université et la recherche » signé par 4 600 universitaires et chercheurs
« Alors même que les espoirs de traitement du virus dépendent des chercheurs, cela fait 15 ans que la recherche scientifique à l’université et dans les grands organismes comme l’Inserm
Institut national de la santé et de la recherche médicale
ou le CNRS
Centre national de la recherche scientifique
subit le primat donné à des projets de court terme, pilotés bureaucratiquement, et concentrant sur quelques thèmes définis comme “porteurs” des moyens globalement en déclin. 15 ans de démolition ! », peut-on lire dans un appel intitulé « Refonder l’université et la recherche pour retrouver prise sur le monde et nos vies ».
L’appel est signé par plus de 4 600 « universitaires et chercheurs », indique le collectif RogueESR qui l’a initiée, le 30/03/2020.
Pour les signataires, la pandémie de Covid-19 « agit comme un révélateur : elle confirme aux yeux de tous que l’université et la recherche publique auraient dû rester une priorité pour nos sociétés et que la diversité des axes de recherche, le temps long et les financements pérennes sont les conditions de son bon développement. Nous voyons bien que les appels à projets lancés de manière improvisée en réaction à chaque crise tiennent plus de la communication impuissante que de la programmation éclairée ».
Pour eux, « le mal est profond : les procédures bureaucratiques de mise en concurrence ne favorisent que le conformisme quand la liberté de recherche permet des découvertes fondamentales. Ce qui était choquant en temps ordinaire est devenu obscène en temps de crise ».
Ce printemps 2020, « dès la fin du confinement », les signataires s’engagent à repenser collectivement l’ensemble des institutions sociales, politiques et économiques et à poser les jalons d’une société « conforme à nos aspirations et à nos besoins ».
Des « Assises de la Refondation » seront organisées, le 20/09/2020, pour définir un programme visant à « rompre de manière effective avec les politiques actuelles et à juguler les crises environnementale, sociale et démocratique qui menacent notre monde et nos vies. Nous devons à la jeunesse un horizon élargi, un avenir à nouveau ouvert ».
Une refondation sur « deux principes régulateurs »
Pour les auteurs de la tribune, « le temps est venu d’une refondation de l’université et de la recherche reposant sur deux principes régulateurs.
L’aspiration collective à déchiffrer l’inconnu suppose l’indépendance effective du monde savant vis-à-vis de tous les pouvoirs : cette autonomie doit être garantie par des moyens répartis entre les disciplines en fonction de leurs besoins, par des statuts protecteurs des libertés académiques et par le temps long nécessaire au développement de toute recherche.
Le corollaire de l’autonomie du monde savant est son engagement sur un principe : sa responsabilité vis-à-vis de la société.
A rebours d’une sélection prétendument darwinienne »L’usage politique, technique et industriel des travaux scientifiques doit se décider dans un cadre pluraliste et démocratique, en accord avec l’intérêt commun. Cela suppose de réinstituer l’université comme lieu de formation des citoyens à une pensée autonome et aux savoirs critiques, et comme lieu de production et de transmission au plus grand nombre de connaissances scientifiques et techniques.
À rebours des propensions récentes au conformisme, à la bureaucratie et à la généralisation d’une sélection prétendument darwinienne, cette institution implique aussi que l’université éclaire le débat démocratique par l’élaboration de synthèses plurielles, établies par la confrontation savante, plutôt que par une évaluation technocratique, toujours en retard d’une crise ».
« Échapper à l’emprise des “experts” et des bureaucrates »
« Tous les savoirs scientifiquement construits par les recherches théoriques, par l’expérience, l’enquête, l’observation, la confrontation des hypothèses et des résultats, sont indispensables pour surmonter ces crises.
Or, les institutions qui créent, transmettent, conservent et critiquent les savoirs sortent exsangues de la période qui s’achève. Elles doivent être reconstruites sur de nouvelles bases, capables de faire vivre des sciences diverses et créatives, aptes à anticiper les défis auxquels notre société doit faire face », écrivent encore les auteurs de la tribune.
« Ce travail de refondation de l’Université et de la recherche doit échapper à l’emprise des “experts” et des bureaucrates : il doit s’articuler à l’exigence démocratique et, en cela, il y a une affinité profonde entre le temps long de la science, son ancrage dans l’expérience et la controverse savantes, et l’exercice de la démocratie, impliquant la délibération et l’attention à l’expérience ordinaire des citoyens. »
Camille Noûs : « les initiatives se multiplient »
Rogue ESR relaye aussi les initiatives autour de « Camille Noûs » et du laboratoire Cogitamus qui « se multiplient ». Une opération qui fait suite à la candidature collective à la présidence du Hcéres.
« Camille Noûs » est une personnalité scientifique imaginée « pour affirmer le caractère collaboratif et ouvert de la création et de la diffusion des savoirs, sous le contrôle de la communauté académique », indique le site internet dédié. Les chercheurs sont appelés à l’utiliser pour co-signer les publications scientifiques.
« Depuis le lancement de l’opération il y a deux semaines, Camille Noûs est signataire d’un article soumis par jour ». Le collectif a mis en ligne des réponses aux questions les plus fréquemment posées sur un site dédié.