Écoles d’ingénieurs : le réseau Time veut s’étendre hors d’Europe et se rapprocher des entreprises
« Notre stratégie est de nous développer de plus en plus en dehors de l’Europe, notamment en Amérique du Sud et en Afrique », déclare Gwenaëlle Guillerme, secrétaire générale de Time (Top international managers in engineering), à News Tank, le 13/02/2020. Le réseau s’est déjà ouvert à des membres issus de l’Australie, l’Argentine, le Canada, la Chine, le Japon et la Russie.
Créé en 1989, Time réunit 57 universités scientifiques et technologiques mondiales de 23 pays, avec pour objectif de former des ingénieurs bilingues et biculturels, « dont l’une des qualités essentielles est leur capacité à s’adapter et à travailler dans des environnements multiculturels très souvent différents des deux pays où ils ont étudié », précise le réseau.
Créé notamment à l’initiative de Centrale Paris (CentraleSupélec aujourd’hui), Time « promeut les échanges d’étudiants dans le cadre de formations d’ingénieur sanctionnées par un double- diplôme de niveau master ». Près de 5 000 étudiants ont utilisé ce programme pour devenir doubles diplômés.
Le réseau qui fêtait ces 30 ans, le 18/10/2019 à CentraleSupélec (Université Paris-Saclay), « aimerait aussi se rapprocher des entreprises et travailler directement en collaboration avec elles », précise Gwenaëlle Guillerme.
Autre piste, la mobilité des « jeunes chercheurs, des professeurs, voire des personnels administratifs ». « Nous sommes en train d’y penser. Le comité stratégique en rediscutera en février. Ce type d’échanges existent déjà, de façon informelle et nous voulons l’institutionnaliser. D’autant que, par ricochet, la mobilité des enseignants fera partir plus d’étudiants. Et nous pourrions développer les échanges sur la formation, les nouvelles pédagogies, etc. »
Enfin, « il y a un enjeu marketing : les entreprises ne sont pas toujours conscientes que le double diplôme est un programme sélectif et exigeant, davantage qu’un séjour Erasmus. Il faut davantage communiquer sur la qualité de ce parcours et des compétences qu’il apporte, et qui sont très recherchées par les entreprises en France et à l’international ».
Le réseau est constitué sous forme d’association, enregistrée en France et dont la gouvernance est gérée par un « management board » de quatre institutions membres (Kungliga Tekniska Högskolan de Stockholm qui en assure la présidence jusqu’en 2021, ETSII Madrid - Universidad Politécnica de Madrid, CentraleSupélec et l’Université Libre de Bruxelles). Un comité stratégique réunissant les 13 institutions signataires se réunit deux fois par an et une assemblée générale se réunit annuellement. Ces institutions membres payent une cotisation annuelle de 2 500 €.
Durée et objectif du dispositif
Pour les étudiants
Les élèves passent une double sélection. « Un double diplôme Time n’est pas n’importe quel double diplôme, il faudrait que les employeurs le sachent mieux : les deux établissements évaluent le profil du candidat », indique Gwenaëlle Guillerme, secrétaire générale de Time.
« Les étudiants qui passent pour un dispositif Time ont un passeport pour travailler à l’international. Le double diplôme ouvre des possibilités de nouvelles carrières pour nos étudiants qui pourront ainsi travailler rapidement à l’étranger », ajoute-t-elle.
De plus, selon elle, ce diplôme supplémentaire justifie cette extension de la durée des études, de cinq ans pour un titre d’ingénieur classique à six ans pour les élèves ingénieurs faisant cette mobilité.
« Certains membres du réseau, plutôt internationaux que français, favorisent des échanges plus courts, d’un an. Cela devient de plus en plus commun, notamment avec les pays nordiques. »
Les frais d’inscription sont payés par l’étudiant : il règle ceux de son institution d’origine. « Il n’y a pas de compensation payée par l’école d’origine à l’école d’accueil en cas de différence. Le système est différent. Les deux établissements négocient un accord définissant un nombre précis de places “gratuites” ».
Les élèves français peuvent solliciter des bourses Erasmus (de six mois) ou d’éventuelles aides d’ambassade. « Il nous faudrait une stratégie de bourse, car cela est un investissement pour l’élève. Pour CentraleSupélec, nous nous basons aussi sur sa fondation », déclare Gwenaëlle Guillerme.
Pour les partenaires
Selon Gwenaëlle Guillerme, l’enjeu du réseau, « c’est aussi de s’enrichir mutuellement, d’échanger sur nos pratiques et, en particulier, sur des enjeux liés à l’internationalisation. Chaque pays a sa stratégie propre, son contexte politique, mais il y a des défis communs sur lesquels nous échangeons ». Parmi ces questions :
- « les stratégies d’internationalisation en place dans les différentes institutions ;
- la montée des frais d’inscription, en particulier pour les étudiants internationaux ;
- les programmes en anglais ;
- le coût d’une mobilité internationale pour un étudiant;
- l’impact d’une mobilité internationale ;
- le numérique. »
Des flux bilatéraux
Il est difficile de généraliser à tous les membres une carte des flux entrants et sortants. Selon les pays et les établissements, les destinations ne sont pas tout à fait les mêmes.
Pour les écoles françaises, à CentraleSupélec, les deux nationalités les plus représentées sont les Chinois et les Brésiliens - ce qui est le cas de Centrale Nantes, Centrale Lille, Centrale Marseille et l'ENPC Ecole nationale des Ponts et Chaussées . Mais l’Isae-Supaero reçoit des Espagnols et des Italiens en premier lieu l'Ensta École nationale supérieure de techniques avancées Paris accueille en premier lieu des Tunisiens et des Brésiliens.
Quant aux destinations favorites des élèves ingénieurs français, elles sont variables. À CentraleSupélec, les étudiants choisissent les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie. À Centrale Nantes, ils privilégient le Danemark et l’Italie, les élèves de Centrale Lille partent au Danemark et en Suède, mais ceux de Centrale Marseille préfèrent l’Allemagne et le Japon…
« Nous avons lancé un appel à nos membres en novembre 2019 pour étendre notre réseau : chacun peut présenter la candidature d’une institution amie.
Nous voudrions mettre l’accent sur l’Amérique du Sud, car nous ne sommes pas présents au Mexique, au Chili et en Colombie, par exemple. Singapour et la Corée du Sud nous intéressent aussi. Aujourd’hui, nos membres sont très actifs en Afrique, surtout les Français avec l’Afrique de Nord et d’autres, en Afrique du Sud », déclare la secrétaire générale.
Le rôle du Groupe des écoles centrales
Huit écoles d’ingénieurs françaises sont membres de Time :
- CentraleSupélec ;
- Centrale Lyon ;
- Centrale Nantes ;
- Centrale Lille ;
- Centrale Marseille ;
- Ensta Paris ;
- École des Ponts ParisTech :
- Isae-Supaero.
L’École Centrale Paris, aujourd’hui CentraleSupélec « a assuré dès l’origine l’animation et le suivi des activités du réseau. C’est le seul membre permanent », précise le réseau. Plus généralement, le GEC Groupe des Écoles centrales représente la majorité des doubles diplômés : « le groupe a une place centrale et prépondérante, il est l’élément moteur du réseau », selon Gwenaëlle Guillerme.
Par exemple, ce sont ces écoles qui lancent des événements pour promouvoir le réseau auprès des entreprises, en Chine ou au Brésil. Centrale Nantes organise des « jobs networking sessions » en Espagne et Italie pour les doubles diplômés, etc.
Les dates clefs de la construction du réseau
- 1989 : le réseau se constitue à partir de 16 membres fondateurs, tous européens, signataires de la charte du 13/10/1989;
- 1997 : naissance du réseau Time (Top international managers in Europe, rebaptisé Top international managers in engineering en 2019) en tant qu’association de loi 1901;
- 2003 : L’Escola Politécnica de l’Université de São Paulo, Brésil, est admise comme membre de l’Association Time. C’était la première institution hors d’Europe ;
- 2004 : cérémonie du 1 500e diplômé Time à Bruxelles ;
- 2009 : 20e anniversaire, organisé à Centrale Paris ;
- 2019 : 30e anniversaire, organisé à CentraleSupélec.
Les membres fondateurs signataires de la charte du 13/10/1989
• Danmarks Tekniske Hojskole - Copenhagen ;
• École Centrale Paris devenue CentraleSupélec ;
• Ethniko Metsovio Polytechnio - Athens ;
• ETSI, UPC - Barcelona ;
• ETSII, UPM - Madrid ;
• Friedrich-Alexander Universität - Erlangen-Nürnberg (qui a quitté le réseau depuis) ;
• Instituto Superior Técnico - Lisboa ;
• Kungliga Tekniska Högskolan - Stockholm ;
• Politecnico di Milano ;
• Politecnico di Torino ;
• Rheinisch-Westfälische Technische Hochschule - Aachen ;
• Technische Universität - München ;
• Technische Universiteit - Eindhoven (qui a quitté le réseau depuis) ;
• Universidad Pontificia Comillas - ICAI - Madrid ;
• Universität Stuttgart (qui a quitté le réseau depuis) ;
• Université Libre de Bruxelles.