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IRD : « Des signaux très encourageants pour la recherche pour le développement » (J-P Moatti)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Entretien n°110147 - Publié le 11/01/2018 à 09:23
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©  D.R.
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« Dans le contexte actuel où les pouvoirs publics accordent une légitime priorité à la réduction du déficit des finances publiques, c’est effectivement un bon budget qui confirme la confiance de nos deux tutelles, l’ESR Enseignement supérieur et recherche d’une part, l’Europe et les affaires étrangères d’autre part », affirme Jean-Paul Moatti, PDG de l’IRD Institut de recherche pour le développement , à News Tank le 03/01/2018.

Il s’exprime au sujet du budget initial de l’IRD, qui est de 229,6 M€ en CP Crédits de paiement contre 227,5 M€ en 2017, soit une augmentation de 1 %. « Notre SCSP Subvention pour charges de service public augmentera légèrement en 2018 [200,53 M€, +0,46 %], l’IRD bénéficiant de façon équitable, pour environ 700 k€, du bonus budgétaire dédié au fonctionnement des laboratoires », affirme Jean-Paul Moatti. Ce budget lui permettra « de maintenir globalement l’emploi et de poursuivre [sa] priorité en faveur de l’emploi scientifique ».

Jean-Paul Moatti note par ailleurs qu’il existe « des signaux très encourageants pour la recherche pour le développement en général et pour l’IRD en particulier », citant à ce propos les prises de position d’Emmanuel Macron dans son discours du 28/11/2017 à Ouagadougou sur la coopération avec le continent africain, le volet recherche des 12 engagements pris lors du sommet du 12/12/2017 sur le climat à Paris, ou encore l’initiative Mopga Make our planet great again , dont l’IRD est « fier d’avoir soutenu trois des candidats retenus ».

Il estime cependant que « le fait que l’Afrique contribue pour moins de 2 % à la production scientifique mondiale est un problème majeur », et soutient à ce titre la mise en place d’un African Research Council s’inspirant de l’ERC European Research Council .

« L’Afrique ne manque pas de scientifiques de qualité, mais de structures pérennes. Le jour où les universités françaises coopéreront avec les universités des zones intertropicales et méditerranéennes comme elles collaborent avec les 100 premières universités du classement de Shanghaï, l’IRD aura très significativement rempli son objectif essentiel », affirme-t-il.

Coopération avec les pays du Sud, restructuration des départements de l’IRD, articulation avec les tutelles… Jean-Paul Moatti revient sur son action à la tête de l’IRD depuis sa nomination en mars 2015.


Jean-Paul Moatti, PDG de l'IRD Institut de recherche pour le développement , répond à News Tank

Êtes-vous satisfait de votre budget 2018 ?

Jean-Paul Moatti : Dans le contexte actuel où les pouvoirs publics accordent une légitime priorité à la réduction du déficit des finances publiques, c’est effectivement un bon budget qui confirme la confiance de nos deux tutelles, l’ESR Enseignement supérieur et recherche d’une part, l’Europe et les affaires étrangères d’autre part, dans la trajectoire impulsée à l’IRD depuis ma nomination comme PDG en mars 2015. Ce budget est cohérent avec les objectifs du COP Contrat d’objectifs et de performance que nous avons justement signé avec les tutelles au printemps dernier pour les cinq prochaines années.

Notre subvention pour charge de service public augmentera légèrement en 2018, l’IRD bénéficiant de façon équitable, pour environ 700 k€, du bonus budgétaire dédié au fonctionnement des laboratoires. Le budget 2018 nous permet de maintenir globalement l’emploi et de poursuivre ma priorité en faveur de l’emploi scientifique avec :

  • 16 nouveaux recrutements de chargés de recherche,
  • la possibilité de recruter des extérieurs pour au moins deux des 15 postes de directeurs de recherche (DR2) mis au concours,
  • et 15 possibilités d’accéder au « hors classe » pour les chargés de recherche.
Apurer de façon définitive le dysfonctionnement qui découlait de notre déménagement à Marseille »

Il nous permet également d’apurer de façon définitive le dysfonctionnement qui découlait, depuis près de dix ans, du déménagement de notre siège à Marseille qui avait conduit à ce que de nombreuses fonctions pérennes dans l’appui à la recherche soient occupées par des contractuels à durée déterminée avec de ce fait un « turnover » trop important : quatre des 16 créations de postes d’ingénieurs, de techniciens et d’administratifs prévues en 2018 y seront consacrées.

Quant à nos moyens de projection au Sud, le partenariat scientifique équitable avec les équipes des ESR des pays en développement constituant l’essence de notre mission, ils seront globalement en augmentation, car nous y consacrons l’essentiel des économies que nous nous efforçons de faire par ailleurs en rationalisant nos modes de fonctionnement.

Nos ressources contractuelles propres repartent à la hausse »

De plus, nos ressources contractuelles propres, qui avaient eu tendance à stagner ces dernières années, repartent à la hausse, même s’il faudra confirmer cette tendance dans le contexte de plus en plus compétitif des appels à projets de recherche européens et internationaux. C’est d’abord le résultat de la mobilisation de nos laboratoires et de l’amélioration du soutien que les trois pôles de notre institut (Science, Développement et Appui) s’efforcent de leur apporter.

Nous bénéficions aussi du meilleur positionnement international de la France en matière de diplomatie scientifique et de contribution aux 17 ODD (Objectifs du développement durable) adoptés par les Nations unies à l’horizon 2030.

Des signaux très encourageants pour la recherche pour le développement »

Les prises de position du Président de la République lors de son récent discours sur la coopération avec le continent africain à Ouagadougou, le volet recherche des 12 engagements pris lors du sommet du 12/12/2017 sur le climat à Paris et l’initiative “Make Our Planet Great Again” sont des signaux très encourageants pour la recherche pour le développement en général et pour l’IRD en particulier. Nous avons d’ailleurs la fierté d’avoir soutenu, à l’IRD, trois des candidats retenus. Trois chercheurs, de très haut niveau, qui portent sur des sujets majeurs pour la lutte contre le réchauffement climatique.

Le budget initial 2018 est de 229,6 M€ en CP contre 227,5 M€ en 2017 (+1 %).

Il se ventile comme suit (en CP) :

• SCSP (Subvention pour charges de service public) : 200,5 M€, contre 199,6 M€ en 2017 (+0,5 %) ;

• Redevances pour brevets et licences : 0,81 M€, contre 0,9 M€ (-10 %) ;

• Autres recettes globalisées : 0,93 M€, contre 0,9 M€ (+3 %) ;

• Contrats de recherche, subventions d’investissement, etc. : 27,3 M€, contre 26 M€ (+5 %).

Quels sont les enjeux de l’action de l’IRD ?

La science que s’efforce de promouvoir l’IRD concerne une zone géographique bien particulière, la zone intertropicale et méditerranéenne. Nous croyons que la science universelle ne peut pas avancer sans s’intéresser à ces zones et que le faire sans s’associer étroitement avec les équipes des pays et des régions concernées ne permet pas de réaliser pleinement cet objectif.

La France est le seul pays à disposer de deux organismes publics de recherche spécialisés dans la coopération avec les pays en développement, l’IRD et le Cirad Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement .

Le fait que l’Afrique contribue pour moins de 2 % à la production scientifique mondiale est un problème majeur »

Le fait que l’Afrique contribue pour moins de 2 % à la production scientifique mondiale est un problème majeur, non seulement pour la communauté scientifique dans son ensemble, mais aussi pour engager des trajectoires de développement durable pour ces pays et pour toute la planète. Il existe en effet des problèmes de structuration pour assurer la pérennité des systèmes de production scientifique et de formation universitaire dans ces pays.

À terme, la vocation de l’IRD est de ne plus intervenir que dans une relation scientifique classique »

Il faut donc co-construire ce que nous appelons des partenariats scientifiques équitables : pour cela, les équipes de l’IRD s’immergent donc dans les laboratoires locaux. À terme, la vocation de l’IRD est de ne plus intervenir que dans une relation scientifique classique dans les pays des zones intertropicales et méditerranéennes qui auront développé des institutions d’ESR solides. C’est déjà le cas avec certains pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique du Nord. Mais, la tâche en matière de renforcement des capacités demeure gigantesque, en particulier dans les pays les plus pauvres.

Vous avez été nommé en mars 2015, quelle a été votre action jusqu’à présent ?

J’ai été nommé à un moment particulier de la vie de l’organisme. D’une part, l’État venait d’acter l’échec de l'AIRD African Initiatives for Relief and Development , une agence de moyen qui voulait devenir le guichet unique des relations entre le Sud et l’ESR français.

Si le but était louable, les moyens ont manqué et la confusion des genres entre cette agence et l’Institut proprement dit n’ont pas permis de mobiliser tous les acteurs de l’ESR et de faire avancer suffisamment la mutualisation de l’action de l’ensemble de l’ESR français en direction des pays en développement. Par ailleurs, je prenais la suite d’un intérim long de 18 mois.

L’idée était de redonner la priorité à la science »

J’ai donc d’abord voulu redonner des éléments de réflexions et de projection à l’institution. L’idée était de redonner la priorité à la science. Pour la première fois, le conseil scientifique a établi un rapport de conjoncture et de prospective. Nous avons également rédigé un plan d’orientation stratégique à l’horizon 2030. Enfin, nous avons rénové le lien avec nos tutelles avec la signature du COP que j’ai déjà évoqué. En nous appuyant sur ces trois documents, nous avons remis l’organisme sur une trajectoire claire et ambitieuse.

Il s’agissait également de mieux stabiliser notre fonctionnement au quotidien. Quatre exemples parmi de nombreux autres :

  • la rénovation profonde de notre système d’information de gestion,
  • la restructuration de notre réseau de représentations à l’étranger et en Outre-Mer pour mieux tenir compte de l’hétérogénéité des contextes scientifique et des degrés de développement des pays où nous intervenons,
  • l’impulsion donnée à notre politique de valorisation et de contribution au transfert et aux échanges technologiques avec la mise en place sur notre site de Bondy en Île-de-France d’un campus de l’Innovation pour la Planète qui vise notamment à promouvoir des campus « miroirs » de ce type au Sud (des projets sont bien avancés au Burkina Faso et au Sénégal par exemple),
  • le fait que nos commissions scientifiques pourront désormais mieux travailler avec la possibilité qui leur est ouverte de présélectionner les dossiers des candidats à auditionner pour les recrutements de chercheurs.

Le fait que nos deux tutelles puissent aisément se reconnaître dans la gouvernance de notre Institut - j’ai eu la chance de bénéficier à mes côtés, depuis ma nomination, d’un directeur général délégué issu du corps diplomatique - est aussi un plus qu’il nous faudra, me semble-t-il, garantir à l’avenir.

C’est un plaisir pour moi, et une excellente chose pour l’Institut, de travailler étroitement avec Élisabeth Barbier
, ancienne ambassadrice en Afrique du Sud, qui a bien voulu accepter de nous rejoindre à la suite du départ de Jean-Marc Châtaigner appelé à de nouvelles responsabilités comme envoyé spécial du président de la République pour le Sahel.

Vous avez également réorganisé les départements de l’IRD…

Nous sommes passés à une organisation en cinq départements de taille sensiblement équivalente (contre trois auparavant), afin d’assurer une meilleure animation scientifique. L’idée était de traduire notre priorité à la science dans l’organigramme. Les cinq départements sont :

  • dynamiques internes et de surface des continents ;
  • écologie, biodiversité et fonctionnement des écosystèmes continentaux ;
  • océans, climat et ressources ;
  • santé et sociétés ;
  • sociétés et mondialisation.

Nous avons mis en place une dizaine de programmes scientifiques interdisciplinaires et partenariaux. Cela nous permet, sur certains champs transversaux, de nous organiser en objectifs prioritaires et qui structurent nos partenariats. Ils sont appelés à être dynamiques afin d’animer l’intersectorialité et l’interdisciplinarité.

Nous voulons peser à l’international »

Mais ce n’est pas tout. Nous nous positionnons de manière beaucoup plus claire vis-à-vis de la société et du cadre des objectifs du développement durable notamment. Nous voulons peser à l’international afin de mieux représenter le monde francophone dans les institutions internationales. Nous intervenons avec les autres organismes concernés des alliances de recherche dans les grandes Conférences des Parties qui structurent l’agenda international (climat, désertification, biodiversité).

Par ailleurs, je suis moi-même membre du groupe indépendant de 15 experts directement mandatés par le secrétaire général des Nations Unies pour réaliser d’ici fin 2019 le premier rapport d’évaluation critique des ODD objectifs de développement durable .

Comment jugez-vous les retombées d’un engagement international ?

Il faut rester humble et ne pas imaginer que la science à elle seule, et encore moins l’IRD, vont changer le monde, mais nous avons une capacité d’influencer sur nos sujets.

De manière générale, je crois que si l’on arrive à se coordonner, à mutualiser l’action des scientifiques français et de leurs partenaires, d’abord francophones, et au-delà dans l’ensemble des Suds, on a un impact bien plus important. L’IRD a aussi pour vocation d’être au service de la projection internationale de l’ensemble de l’ESR français.

Nous soutenons l’idée de mise en place d’un African Research Council s’inspirant de l’ERC »

Nous soutenons également l’idée portée par nos collègues africains de mise en place d’un African Research Council s’inspirant de l’European Research Council, mais sans le copier de façon mécanique.

Cela permettrait de pérenniser sur le long terme des équipes de recherche dans leurs pays et d’aider à la structuration de leurs écosystèmes. L’Afrique ne manque pas de scientifiques de qualité, mais de structures pérennes. Le jour où les universités françaises coopéreront avec les universités des zones intertropicales et méditerranéennes comme elles collaborent avec les 100 premières universités du classement de Shanghaï, l’IRD aura très significativement rempli son objectif essentiel.

Jean-Paul Moatti


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Parcours

Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Directeur de l’unité mixte de recherche Sciences économiques & sociales de la Santé & traitement de l’information médicale (Inserm/IRD/AMU)
Université d’Aix-Marseille
Professeur des Universités à l’UFR de Sciences économiques & gestion
Aix-Marseille Université (AMU)
Membre du conseil d’administration
Alliance des Sciences de la Vie et de la Santé (Aviesan)
Directeur de l’Institut Thématique Multi-Organismes de Santé Publique
Organisation Mondiale de la Santé
Membre du Advisory Committee for Health Research (ACHR)
Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose & la Malaria
Conseiller pour les Affaires économiques & sociales du directeur Exécutif
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Directeur de l’UMR (Inserm/Université de la Méditerranée)-« Epidémiologie & Sciences Sociales Appliquées à l’Innovation Médicale »- Institut Paoli-Calmettes- Marseille

Fiche n° 9538, créée le 11/03/2015 à 15:19 - MàJ le 20/10/2020 à 10:38

Institut de recherche pour le développement (IRD)

Organisme de recherche placé sous la double tutelle des ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche et des affaires étrangères et du développement international.


Catégorie : Organismes publics de recherche


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Fiche n° 4499, créée le 15/11/2016 à 11:24 - MàJ le 25/11/2024 à 18:12

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