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Les différents aspects de la transformation digitale dans l’ESR vus par Aunege et Unit

Paris - Actualité n°112110 - Publié le 02/02/2018 à 16:44
©  Seb Lascoux
Think Education 2018, dans le grand amphi de Dauphine - ©  Seb Lascoux

« Le numérique à l’université n’est absolument pas le remplacement de l’enseignant par la machine, mais il permet de renforcer le lien et même de l’augmenter, vers de nouveaux publics. À commencer par les étudiants éloignés physiquement de l’université : les salariés, les étudiants empêchés. Nous pouvons aller vers ceux qui ont le plus besoin et faire du sur-mesure », dit Frédéric Rousseaux, vice-président formation et vie universitaire à l’université de La Rochelle lors de Think Éducation et Recherche qui se tenait à Paris-Dauphine le 30/01/2018. Il intervient lors de l’expert room « Mettre en œuvre la transformation numérique à 360° », organisée par les universités numériques thématiques Aunege Association des Universités pour le développement de l’enseignement numérique en Economie et Gestion et Unit Université numérique Ingénierie et Technologie

• « La transformation numérique rend l’enseignement supérieur universel. Elle change le temps et l’espace de l’enseignement, qui commence avant l’entrée à l’université », selon Larry Cooperman, associate dean pour l’open education de Université of California Irvine et ancien président de l’Open Education consortium.
• Isabelle Duchatelle Maîtresse de conférences @ Université de Caen Normandie
, vice-présidente numérique de l’Université de Caen-Normandie présente l’importance de la modularité des ressources pédagogiques pour les scénarios pédagogiques des enseignants-chercheurs.
• Alain Mayeur, directeur de la direction du numérique de l’Université de Valenciennes et vice-président de la fondation Unit évoque l’importance des données ouvertes dans la stratégie numérique.

Rôle des UNT Universités numériques thématiques dans la transformation numérique, granularité et modularité des ressources numériques, ouverture et analyse des données produites par les enseignants et les étudiants pour adapter les apprentissages : ce sont les grands thèmes présentés lors de cette expert room et dont News Tank propose une synthèse.

Ouvrir les données pour les analyser

L’ESR produit de la donnée : qu’elle soit associée à la recherche, aux enseignements ou à l’administration, les mégadonnées déterminent les projets et les stratégies des établissements ou des directions. Toute la filière est confrontée à la nécessité de devoir se doter d’outils, de pratiques et de stratégies pour rationaliser le traitement des données. Il s’agit de lever certaines barrières à l’entrée concernant la circulation des données dans des systèmes informatiques hétérogènes, assurer leur exploitation et leur conservation dans le temps, mais aussi leur intégrité juridique et territoriale dans le cadre du règlement général sur la protection des données.

Adapter les stratégies grâce aux données

Alain Mayeur -
« Ouvrir les données, c’est rendre interopérable ce que produisent l’enseignement supérieur et la recherche. En ce sens, il s’agit de responsabiliser tous ceux qui sont amenés à produire des données dans l’ESR Enseignement supérieur et recherche  : les enseignants-chercheurs, les étudiants, les services », dit Alain Mayeur, vice-président d’Unit.

Cette première étape d’ouverture doit s’appuyer sur une conception globale de l’architecture des données pour un établissement. La stratégie décrite est celle du big-data appliquée à l’ESR, qui va trouver de nouveaux débouchés dans la collecte des données et leur analyse.

« L’essentiel pour les établissements est de consolider les données dans une architecture globale, pour favoriser la flexibilité et l’adaptation des services à des processus applicatifs », selon Alain Mayeur.

Prendre en compte les learning analytics

LMS Learning management system , e-portfolios, Spoc Small Private Online Course , environnements collaboratifs, blogs, open courses sont des outils numériques pour l’étudiant qui utilisent des données. L’enjeu est de capitaliser l’analyse des usages de ces plateformes grâce aux learning analytics pour faire évoluer les stratégies, construire des modèles prédictifs, et réaliser des tableaux de bord dynamiques sur l’avancement de l’étudiant dans son processus d’apprentissage.

« Mieux comprendre l’étudiant grâce à la donnée permet d’augmenter de 15 à 20 % la réussite dans un cursus, en personnalisant l’offre de service dans les plateformes de formation, en développant les offres d’adaptive learning », poursuit Alain Mayeur.

Les learning analytics, ce sont les « traces de l’apprentissage » qu’un étudiant va produire sur des plateformes numériques d’enseignement. Ces données indiquent le parcours suivi, le temps passé sur les outils, la manière dont les contenus pédagogiques sont acquis ou non. On distingue les données saisies par l’usager, les données calculées par les services numériques, et les données de connexions.

« Granulariser » le rapport à l’étudiant et à l’apprentissage

Individualiser le rapport aux étudiants et massifier l’offre de formation, tels sont les enjeux stratégiques identifiés par les intervenants. 

Le numérique pour diversifier les formes de pédagogie

Frédéric Rousseau - ©  D.R.
« L’université a des filières en plein boom, elle accueille à chaque rentrée de plus en plus d’étudiants, mais la particularité c’est leurs profils, de plus en plus variés. Les étudiants viennent à l’université pour des raisons différentes : un diplôme, des compétences spécifiques, un projet professionnel…nous devons être capables de ‘granulariser’ et accompagner ces différents profils dans la construction des apprentissages. Et là, le numérique joue un rôle décisif », dit Frédéric Rousseaux, vice-président formation et vie universitaire à l’Université de La Rochelle.

« Les salariés, étudiants empêchés ou sportifs professionnels trouvent dans l’enseignement à distance et le numérique des outils pour se former. La forme des contenus change, mais le fond doit conserver la même exigence. »

Autonomiser les étudiants dans l’acquisition des savoirs, aller vers des apprentissages plus actifs, adapter les rythmes et les cursus à une plus grande diversité de profils, sont autant d’objectifs qui sont facilités par le numérique. Frédéric Rousseaux encourage des pratiques où le numérique est au centre :

  • Intégrer des éléments de pédagogies actives dans les cours magistraux : chercher l’interactivité avec les étudiants par un questionnaire en temps réel, un sondage, ou répondre à des questions émises centralisées sur un outil numérique.
  • Encourager le partage de contenus pédagogiques sur des plateformes numériques : penser certains modules de cours en vidéo ou en scénarisation interactive par des contenus de qualité permet de gagner en temps et en efficacité dans la pédagogie.
  • Mieux connaître les étudiants grâce aux portfolios numériques : chaque rendez-vous avec un étudiant permet de suivre la progression et les éventuels décrochages. L’outil numérique renforce et flexibilise le lien avec l’étudiant en donnant plus de précision sur le parcours dans l’établissement.

Vers un meilleur partage des ressources numériques

Trouver la bonne ressource au bon moment, c’est l’objectif pour un enseignant-chercheur. Une mission parfois complexe, pour Isabelle Duchatelle.

Moduler les ressources pédagogiques

« Un chercheur va parfois être intéressé par une seule portion d’une ressource plus large. Comment y accéder, comment extraire cette partie facilement ? Parfois les fichiers sources ne sont pas disponibles ou l’auteur de la ressource ne répond pas. La question se pose d’autant plus quand les ressources sont en dehors d’un LMS. On voit que les chercheurs ont du mal à s’en emparer », affirme la vice-présidente numérique de l’Université de Caen-Normandie.

« L’idée parfois répandue dans le supérieur, c’est qu’un enseignant doit préparer ses propres ressources, les transmettre à ses étudiants et il en est le seul responsable. Cela va contre la mutualisation des ressources. Pour avancer, il faut former les équipes à travailler avec des ressources numériques communes. »

Homogénéiser et recenser les ressources disponibles

L’objectif est de mieux recenser, gérer et documenter les ressources, poursuit Isabelle Duchatelle. Une enquête de recherche va être conduite à partir de septembre 2018 à ce sujet et un livre blanc est imaginé.

« Il est essentiel de trouver des environnements de travail compréhensibles pour les étudiants, pour qu’ils puissent repérer facilement des contenus de qualité. Il y a un besoin fort dans la conception des ressources numériques, et les services dédiés doivent pouvoir répondre à ce besoin », selon Frédéric Rousseaux.

Le partage des ressources pédagogiques doit se faire à tous les niveaux. Alain Mayeur parle d’un écosystème « multiétages », qui part de l’établissement, mais qui doit voir plus large pour tenir compte des indexations nationales et internationales.

« Nous allons vers des communautés apprenantes de plus en plus connectées entre-elles, elles échangent beaucoup de données. L’enjeu est donc de pouvoir normaliser les formats d’échange, faciliter l’indexation et dynamiser l’échange des ressources des UNT. Il faut aller vers la construction d’un environnement flexible, adaptatif avec des contenus ouverts. C’est une des missions que nous travaillons avec le réseau international Apereo », dit Alain Mayeur.

Massifier et diversifier l’accès aux ressources en lignes

La transition numérique permet aux universités de commencer la relation avec de potentiels apprenants avant même l’entrée dans le supérieur. Une démarche universelle que développe depuis 2007 UCI (Université of California Irvine), avec un programme tourné vers l’open education qui massifie l’accès à certains contenus pédagogiques.

Faire rayonner l’université hors les murs par l’open education

Larry Cooperman - ©  D.R.

« Notre engagement dans l’open education est essentiel, car l’intérêt pour UCI est tel que nous ne pouvons fournir suffisamment de places pour tous les étudiants. Nous devions trouver un mécanisme pour faire bénéficier des enseignements de l’Université à un plus large public », dit Larry Cooperman.

L’open education à l’UCI associe plusieurs canaux pour engager des utilisateurs :

  • Un site internet pour avoir accès aux ressources pédagogiques : trois millions de visiteurs uniques par an s’y connectent.
  • Une chaîne YouTube pour diffuser des contenus multimédias : trois millions de vidéos sont vues chaque année.
  • Une plateforme Coursera, pour les Mooc Massive open online courses  : elle a permis d’inscrire quatre millions d’utilisateurs depuis son lancement, en 2013.

Innover dans les formats et les contenus

Enrichir les contenus par le multimédia et permettre le rebond d’une chaîne YouTube vers une plateforme de Mooc, c’est l’objectif d’une stratégie à succès pour UCI.

« Nous cherchons en permanence à innover dans la manière d’amener les savoirs aux publics. L’exemple est pris avec un Mooc qui part de la série populaire The Walking Dead. Nous avons demandé à des chercheurs en sciences physiques, en sciences sociales et en mathématiques d’aborder les grands thèmes de la série par le prisme de leur discipline », selon Larry Cooperman.

« Un changement institutionnel n’est possible que par un engagement constant des personnels de l’Université, qu’ils soient chercheurs ou membres de l’administration, pour porter l’innovation pédagogique », souligne-t-il.

Depuis le lancement de la chaîne en ligne UCTV en septembre dernier, UCI propose les « Zot Talks », conçus sous la forme de capsules vidéos pour valoriser les projets de recherche innovants de l’université. Cet autre aspect de la stratégie de l’open education permet de favoriser la connaissances des activités scientifiques pour rediriger l’internaute vers des contenus pédagogiques.

De nouveaux horizons pour la reconnaissance et la certification

Les intervenants mettent aussi en avant les innovations numériques en lien avec la certification et la reconnaissance des compétences des étudiants.

« Qu’est-ce qu’un B ? Qu’est-ce qu’un 3,7 sur 5 ? Comment ces éléments de notation permettront-ils d’évaluer les compétences dans un avenir professionnel ? En tant qu’université, notre métier est avant tout de connaître nos étudiants, de valoriser leurs compétences et de les assembler pour qu’elles soient compréhensibles à l’extérieur. Il faut chercher à enrichir le système de validation », selon Larry Cooperman.

Engager de nouveaux outils numériques pour reconnaître les compétences

Le numérique permet aussi une meilleure reconnaissance, notamment grâce aux « alternative digital credentials ». Ce terme désigne tous les systèmes basés sur une technologie ouverte permettant la certification d’une expérience, d’un savoir ou d’une compétence en émettant des métadonnées infalsifiables. Un des plus connus est l’Open badge numérique.

« L’essentiel est d’avoir une solution sécurisée, numérique avec des métadonnées qui permettent de valider et certifier ce qui est donné à l’étudiant », dit Larry Cooperman.

Les badges numériques sont développés par l’Université de Caen-Normandie, dont Isabelle Duchatelle est la vice-présidente.

« J’ai eu un de mes premiers badges avec UCI et nous développons dans notre université les badges. Ils permettent d’animer une communauté et répondent à des besoins de valorisation chez les étudiants. »

©  Seb Lascoux
Think Education 2018, dans le grand amphi de Dauphine - ©  Seb Lascoux