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École nationale des Chartes-PSL : créer « un axe pilote » sur le numérique (Michelle Bubenicek)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°322211 - Publié le 23/04/2024 à 12:26
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©    École nationale des chartes
Michelle Bubenicek - ©    École nationale des chartes

« L’École nationale des Chartes - PSL Paris Sciences & Lettres a, dès le début du 21e siècle, été précurseure en matière d’humanités dites numériques. L’objectif est que nos enseignants-chercheurs déjà bien positionnés sur cette thématique créent un axe pilote avec d’autres établissements, notamment Inria Institut national de recherche en informatique et en automatique dans le cadre du programme Prairie+ de PSL », déclare Michelle Bubenicek Directrice @ École nationale des chartes - PSL (ENC - PSL)
, directrice de l'école, à News Tank le 16/04/2024.

« Notre école, que l’on rattacherait a priori plutôt à l’histoire et au passé, est de plus en plus identifiée pour sa recherche applicative en SHS Sciences humaines et sociales , avec de forts enjeux actuels et diplomatiques », indique-t-elle. Elle cite notamment, « les enjeux de traçabilité de la donnée et de détection des fausses informations, plus que jamais d’actualité. Notre école s’est largement positionnée sur la thématique des “fake news”, où elle assure des formations spécifiques ».

Concernant PSL, elle indique que l’objectif de l’ENC, depuis la sortie de l’expérimentation le 27/11/2022,  « comme pour les autres établissements composantes, est de continuer à bâtir notre université, tant en matière de programmes de recherche qu’au sein des programmes gradués, grands couloirs de formation et de recherche ».

« Nous rédigeons actuellement la feuille de route de l’école, pour les prochaines années, en parallèle de notre évaluation Hcéres Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur , qui s’est achevée récemment. Le MESR Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche , du fait de la crise sanitaire, a décalé l’évaluation, initialement prévue en 2022. Nous avons ainsi toute l’année 2024 pour réfléchir au contrat 2025-2029. »


« L’IA appliquée à la linguistique et au langage contemporains a beaucoup de potentiel »

« Ce qui est en cours de transformation à PSL, c’est surtout le périmètre des grands programmes de recherche, dont certains sont liés à l’IA, qui est l’une des grandes priorités de l’université, et concerne tout autant les sciences dures que les SHS. Les programmes gradués quant à eux seront sans doute amenés à évoluer aussi dans les années qui viennent », indique la directrice.

Concernant la création d’un axe pilote sur le numérique, « l’objectif est de faire en sorte que l’IA ne soit pas uniquement une méthode d’exploration de données massives en biologie ou en physique.

L’IA appliquée non seulement aux textes historiques et langues anciennes, mais plus généralement à la linguistique et au langage contemporains, a beaucoup de potentiel, notamment pour répondre aux grands enjeux de société et de politique actuels, comme l’ont montré des contributions récentes très remarquées de chercheurs de notre école dans le domaine de la recherche d’autorité ou des fake news ».

« Apporter une analyse critique fine de la production globale de données »

« L’enseignement universitaire, en SHS notamment, a pour objectif de développer chez les étudiants l’esprit critique et la capacité d’analyse. Dès l’origine, l’École des chartes a été créée pour former à l’analyse critique de la production écrite sous toutes ses formes et plus généralement des sources anciennes. Cette capacité d’analyse fine permettant en particulier de détecter les “faux” documents, dans la lignée de la science diplomatique, fondée au 17e siècle par Jean Mabillon », indique-t-elle.

« Dans notre monde contemporain, qui voit se multiplier les supports de l’écriture et de la création, de l’audiovisuel à l’écrit nativement numérique, en passant par l’image numérique et les jeux vidéo, l’École nationale des Chartes, qui délivre aussi des enseignements sur tous ces types de production, peut apporter son éclairage et une analyse critique fine de la production globale de données. C’est aussi là notre raison d’être dans le monde d’aujourd’hui. »

« Les chercheurs n’ont pas toujours conscience de la portée sensible de leurs travaux »

« En Europe, nous ne sommes peut-être pas assez conscients que les recherches que nous menons sur nos sociétés, dans leurs périodes anciennes ou plus récentes, ne sont pas seulement érudites, mais peuvent être utiles et riches d’enjeux, à plusieurs titres », indique Michelle Bubenicek.

« Le domaine des archives, auquel notre école forme tout spécifiquement, est un instrument de la mémoire, fondamental pour l’écriture de l’histoire de nos sociétés. Mais c’est aussi, au quotidien, un outil de bonne gouvernance et de pilotage, donc un objet parfois très sensible politiquement. C’est en particulier perceptible dans les activités de notre chaire Unesco “Les archives au service des nations et des sociétés africaines”, lancée en 2023. »

« Nos activités de recherche liées au numérique sont bien évidemment également à fort impact sociétal et d’autant plus riches d’enjeux. Au sein de PSL et de l’école, nous avons des réunions régulières pour évoquer ces questions avec les chercheurs qui n’ont pas toujours conscience de la portée sensible de leurs travaux.

La politique actuelle de science ouverte est louable et vertueuse, mais toutes les utilisations ne sont pas toujours bienveillantes. Il faut en avoir conscience et savoir prendre les précautions adéquates, tout en continuant bien sûr d’accueillir des chercheurs et des stagiaires notamment étrangers dans nos murs et dans nos laboratoires. »

« Une plateforme pour mettre en ligne des contenus scientifiques et pédagogique »

« Nous sommes très attachés à notre mission de service public, et notamment à celle de faire connaître au public le plus large possible, au-delà des spécialistes, à la fois la recherche qui est la nôtre et les riches collections dont nous disposons au sein d’une bibliothèque qui remonte à la fondation de l’école. Les ressources offertes par le numérique sont idéales pour cela, et depuis plus de 20 ans, l’école offre en ligne et en accès libre divers contenus », indique aussi la directrice.

Afin de diffuser par exemple son activité de recherche sur les sources écrites anciennes, l’établissement a notamment développé, la plateforme Adele (Album de diplomatique européenne en ligne) pour mettre en ligne des contenus scientifiques et pédagogiques en diplomatique, archivistique et paléographie.

Au départ, cette plateforme ressemblait à un projet de recherche classique, mais les élèves et les étudiants peuvent désormais s’en emparer. En cours, ils peuvent saisir leur travail sur leur ordinateur, se brancher à la plateforme et proposer leurs solutions de transcription, que le professeur va pouvoir corriger ensuite.

Cette plateforme innovante, à vocation européenne, et fruit d’un long développement de la Mission projets numériques de l’école, est également ouverte à des collaborations avec des enseignants-chercheurs d’autres établissements, français et à l’étranger, par exemple l’Unistra. »

« Nous avons un corps d’enseignants-chercheurs, dont le statut de directeur d’études est commun à l’École pratique des hautes études et à l’École française d’Extrême Orient. S’y ajoutent des directeurs d’études cumulants, qui de fait conjuguent une activité principale ailleurs (souvent de conservateur du patrimoine ou de conservateur des bibliothèques) à une charge d’enseignement pérenne à l’école », indique Michelle Bubenicek.

« Enfin, interviennent également, dans toutes nos formations, de nombreux professionnels du patrimoine et de la culture, qui sont souvent des alumni, anciens élèves ou étudiants.

C’est là une grande force de notre établissement que d’avoir associé, dès l’origine, les alumni aux enseignements car de cette manière le savoir délivré est à la fois érudit et pratique, et c’est précisément ce que toutes les universités, dont PSL, recherchent actuellement. »

« Grâce à notre entrée dans PSL, nous avons pu déployer des formations à moyens constants »

« À mon arrivée le 01/09/2016, la priorité stratégique était d’accompagner l’entrée de l’École des Chartes dans l’Université PSL. L’école venait alors, avec l’EPHE Ecole pratique des hautes études et l’EHESS École des hautes études en sciences sociales , de quitter Hésam, Comue au sein de laquelle nos écoles n’avaient pas su trouver leur place. Notre volonté était d’intégrer un regroupement qui fasse davantage de place aux écoles avec des spécificités affichées, ce que permettait précisément PSL », retrace Michelle Bubenicek.

« Grâce à notre entrée dans PSL, nous avons pu déployer des formations que nous n’aurions pu porter tous seuls, comme le master d’histoire transnationale, monté avec l’ENS - PSL, et ce, à moyens constants. Faire partie de la même université rend les coopérations plus simples, et permet de diversifier l’offre en faisant du collectif. Les programmes gradués de PSL sont ensuite venus “encapsuler” ces projets », indique Michelle Bubenicek.

L'école est par exemple intégrée à deux programmes gradués de PSL, qui sont d’une part le programme Art, et d’autre part, le programme Translitterae. Pour ce dernier, l’école porte le master « Humanités numériques » et son master « phare » intitulé « Technologies numériques appliquées à l’histoire ».

« Notre nouvelle chaire de professeur junior en “philologie computationnelle des écritures occidentales” a été négociée dans le cadre de la LPR Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur . Mais nous ne l’aurions jamais décrochée sans PSL, qui en a obtenu quatre au total en 2023. »

Intégration de l’Ensad et de Malaquais : « une très bonne chose »

« La transformation récente de l’Université PSL en grand établissement a rassuré, car l’étape a figé la construction institutionnelle, dans le bon sens du terme, et l’intégration prochaine de l’Ensad et de Malaquais se fera à statuts constants ; nous pouvons ainsi nous consacrer collectivement à la partie “projets”. »

L’intégration de ces deux écoles est selon elle « une très bonne chose pour l’Université PSL. Elles vont très bien dialoguer avec les autres établissements, car elles peuvent être considérées comme une sorte de trait d’union entre les SHS et les sciences dures ».

« Au sein de cette belle construction, l’École nationale des Chartes est pour PSL une porte d’entrée privilégiée vers la culture et le patrimoine, ce qui est unique et précieux ! »

Un travail sur les ressources propres de l’école

L’École nationale des Chartes est financée à 95 % par le biais de la SCSP Subvention pour charges de service public et son budget global s’élève à 12,5 M€. L’école est par ailleurs passée aux RCE Responsabilités et compétences élargies le 01/01/2021.

« En matière de ressources propres, nous pouvons nous appuyer sur une formation continue en plein développement, notamment grâce à la création de nouveaux DU, dont un tout récent “Histoire des familles et généalogie”, qui connaît un vif succès. Une piste qui n’a pas encore été creusée, c’est celle du déploiement de l’apprentissage en master.

La création de notre toute nouvelle Fondation de l’École des chartes, abritée par PSL, lancée fin janvier 2024, sera aussi un bel atout, qui nous permettra de rayonner à travers de nouveaux projets, sur tout le territoire national.

Cela nous permettra d’envisager le lancement de programmes de recherches plus onéreux et d’accompagner, par des bourses dédiées, la formation de jeunes gens talentueux, issus en particulier de l’international. »

« Le “Campus Richelieu” compte les départements spécialisés de la Bibliothèque nationale de France, dont l’école est très proche depuis sa création il y a plus de 200 ans, et également l’INHA, avec lequel les projets sont nombreux aussi ; et, à proximité, la galerie Vivienne abrite de nombreux laboratoires ou institutions partenaires : des unités de Paris 1, Sorbonne Université, de l’EPHE, l’Institut national du patrimoine…

Le Campus Condorcet, quant à lui, nous offre d’autres occasions de partenariat scientifique, et un accès privilégié à de très grands équipements de pointe, dont la TGIR Huma-Num et l’Humathèque (grand équipement documentaire de Condorcet). L’École nationale des Chartes n’y a pas pour le moment de collections propres, mais ces fonds, notamment sur le contemporain, sont très complémentaires des nôtres, qui font référence pour le Moyen-Âge et les périodes anciennes.

Par ailleurs, nous disposons au sein du Campus Condorcet, de locaux annexes au sein du bâtiment de recherche nord, dédiés à nos deux instituts rattachés, l’Urfist de Paris et le CTHS, ainsi qu’au laboratoire de recherches de l’école, le Centre Jean-Mabillon, qui accueille notamment une cinquantaine de doctorants chaque année et où nous logeons une partie de nos troupes IA. Nos séminaires de recherche se tiendront désormais à Condorcet. »

Une école « faussement parisienne »

« Du fait de son implantation géographique, l’École nationale des chartes est parisienne. Mais, par vocation et grâce aux lieux d’exercice professionnel de ses diplômés, son réseau est national, voire international », ajoute Michelle Bubenicek.

« À l’époque de la création de l’école, dans le contexte de l’après-Révolution française, il est apparu nécessaire que chaque chef-lieu de département puisse disposer au moins d’un archiviste paléographe diplômé, capable de lire et d’interpréter les sources patrimoniales les plus anciennes de la circonscription. »

« Cette tradition d’irrigation du territoire national s’est poursuivie. Et aujourd’hui, lorsqu’on regarde le corps des archivistes départementaux, la très grande majorité d’entre eux sont issus de notre établissement. À l’inverse, beaucoup d’intervenants viennent de toute la France, tout comme nos élèves et nos étudiants. L’école est donc faussement parisienne ! »

Un modèle « assez unique dans le monde »

« Nous formons par la recherche et à la recherche sur des sources et des documents anciens ou contemporains, inédits ou relativement peu touchés. Plus on remonte dans le temps, plus nos enseignements permettent d’accéder à des documents difficiles à appréhender ; c’est le but même de la création de notre école. »

« Il faut alors déchiffrer, résoudre des abréviations anciennes, comprendre le contexte social et politique de la production du document, interpréter les formules juridiques employées, etc. Autrement dit connaître tout ce qui va permettre d’exploiter une source en ayant recours à toutes les disciplines disponibles : paléographie, codicologie, diplomatique, philologie, droit, histoire de l’art…

L’École nationale des Chartes reste ainsi assez unique dans le monde, même s’il peut y avoir des départements ou des instituts positionnés sur nos champs, au sein d’universités. C’est le cas notamment, en Autriche, de l’Institut pour la recherche en histoire, dépendant de l’Université de Vienne, et qui a été créé sur le modèle de notre école.

Notre particularité, c’est que nous rassemblons dès l’origine, au sein d’une même maquette de formation, diverses disciplines, qui relèvent ailleurs de différents départements d’universités, que ce soit l’histoire, les lettres, le droit, l’histoire de l’art, et maintenant l’IA : la pluridisciplinarité tellement recherchée aujourd’hui ! »

Michelle Bubenicek


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Parcours

Université de Franche-Comté (UFC)
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Université de Franche-Comté (UFC)
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Établissement & diplôme

École nationale du patrimoine
Conservatrice du patrimoine

Fiche n° 18380, créée le 07/07/2016 à 18:28 - MàJ le 23/04/2024 à 12:26

École nationale des chartes - PSL (ENC - PSL)

L'école forme des futurs conservateurs des archives, du patrimoine et des bibliothèques.


Catégorie : Universités
Maison mère : Université PSL


Adresse du siège

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75002 Paris France


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Fiche n° 1853, créée le 05/05/2014 à 12:22 - MàJ le 23/04/2024 à 12:44

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